FICHE TECHNIQUE: formes de débats

LES RÈGLES DU JEU, PRAMBULATOIRES

Des fois, quand on discute, il y a des gens qui se chargent de "préparer" la discussion. C'est-à-dire de préciser le sujet, les objectifs, etc. Mais aussi d'imaginer comment on pourrait en parler. En petits groupes, en grands groupe. En 3h et 10 étapes d'une quart d'heure. Sur deux jours. Les yeux bandés. En station couchée. Ou avec des petits papiers. Ou en faisant des grands schémas. Parce que la forme que nous donnons à nos discussions en conditionnent le fond et modifient les rapports que nous entretenons entre nous.

Ci-dessous deux règles testées par nos soins. Et si le "débat sur les débat" vous branche, ne ratez pas l'incontournable brochure de la mort "Débat sur les Débat", consultable et téléchargeable sur http://infokiosques.net/article.php3?id_article=87. Dedans, y'a d'autres règles tout plein de considérations passionnantes.

Pourquoi se donner des règles pour débattre?

Les discussions que nous pouvons avoir entre amiEs ou en groupe ne sont en général soumises à aucun règlement. Le débat se déroule librement et chacunE est amenéE à intervenir spontanément à tout moment. Derrière cette impression se cache souvent un ensemble de règles implicites qui régissent le rapport entre chaque individu ou entre l’individu et le groupe. Nous reproduisons ainsi les comportements sociaux qui conduisent aux rapports de domination, de genre, de consommation, de manque d’écoute...

Une manière d’essayer de casser ses habitudes est de formaliser le déroulement du débat. Le groupe va se choisir un ensemble de règles qu’il va ainsi expliciter et qui doivent permettre à chacunE de trouver sa place dans le débat. Ces règles vont notamment servir à favoriser l’écoute, la prise en compte des autres opinions, à éviter les rapports classiques de domination par exemple en donnant le même temps de parole à chacunE, en laissant la personne s’exprimer seule en incitant le groupe à comprendre sa réflexion ou encore en travaillant en petit groupe.

On Dirait que c'est comme faire un jeu

Ces règles ne doivent pas représenter une contrainte. Le pied, ce serait qu'elles permettent à chacunE d’éviter de se sentir frustréE et de s’épanouir dans le débat. Et bien sûr, il n'y a pas de doctrine bien carrée pour discuter "juste comme il faut". On aurait qu'à se dire que se donner des règles, c'est comme un jeu ou une expérience. C'est "histoire de voir". Des fois, ça permet de rendre visibles des comportements et d'y réfléchir. Des fois, ça permet de creuser complètement différemment un sujet. Des fois, ça permet d'arriver à une décision. Ou d'arriver à se dire des trucs qu'on ne se dit pas d'habitude. Des fois, c'est trop nul (mais bon, c'est pas grave, c'était juste une expérience). Des fois, ça permet de mettre en place d'autres habitudes.

Des fois, le jeu, c'est de se donner 50 000 règles contraignantes. Des fois, la règle, c'est de ne pas avoir de règle. Bref, le "formalisme", ce nest pas forcément faire des trucs compliqués : ça aussi peut être de décider formellement de ne pas avoir de règles formelles. Bref, c'est décider et donc connaître les règles du jeux.

On dirait que tout est modifiable

Comme ces méthodes sont expliquées avec des des milliards de détails, ça peut sembler assez rigide. Évidemment, on peut mettre ça en pratique de plein de manières différentes. Je me suis dit que si je racontais tout au détail-près, ça permettrait aux personnes qui n'ont jamais utilisé ces techniques de comprendre un peu ce que ça pouvait donner. De pouvoir les utiliser, les modifier, les compiler, les machouiller.

LA BIBLIOTHÈQUE DE QUESTIONS

La recette d'abord

  • 1- ChacunE de nouEs doit écrire des idées sur des petits bouts de papiers, formulées ou non sous forme de questionnement, autour de ce sujet. On peut écrire 1 ou plusieurs papier, mais il faut surtout qu'il n'y ai qu'1 seule idée sur chaque et puis, bien sûr, qu'on en n'écrive pas 50 pendant que d'autres n'en font qu'1.
  • 2- On met tous les papiers dans un chapeau, une marmite, ou tout autre récipient à portée de main.
  • 3- Tout le monde retire ensuite 1 papier (avec la possibilité de l'échanger ou non, si on tombe sur un papier qu'on a écrit soi-même).
  • 4- Ensuite, une personne volontaire commence par lire le sien. Elle cherche à l'expliquer avec ses propre mots, dire à quoi cela lui fait penser, éventuellement répondre à la question exprimée (mais elle n'est pas obligée).
  • 5- Quand elle a fini (ça dure grand max quelques minutes), une personne suivante peut solliciter la parole, seulement si elle trouve un lien entre ce qui vient d'être dit et la phrase qu'elle a elle-même entre les mains.
  • 6 Cette seconde personne qui a sollicité la parole lit donc son propre papier, explique le lien qu'elle perçois avec les propos de la 1ère personne. Puis, elle peut à son tour se prêter au jeu de l'interprétation/réflexion de sa propre phrase.
  • 7- Quand elle a fini, la prochaine personne prend la parole selon les mêmes modalités et ainsi de suite.
  • 8- Personne d'autre ne peut intervenir pour réagir à ce qui a été lu et exprimé (pas même pour corriger/préciser ce que l'on aurait voulu dire, ou réagir à quelque chose qui nous hérisserait). Cette règle entraîne beaucoup de frustration, mais elle permet de déplacer le lieu de la réflexion. Elle n'est plus centrée sur notre mise en jeu personnelle dans notre capacité d'expression, bref sur nous et notre ego. La "discussion" est plutôt déplacée vers notre capacité de compréhension et d'écoute de ce qu'expriment chacunE, de son point de vue à ellui. De même qu'en lisant le papier que nous avons entre les mains, nous devrons tenter de nous mettre (ou pas) à la place de celLui qui l'a écrit.
  • 9- S'il arrive un moment où il reste des papiers à lire mais que les personnes qui les détiennent ne trouvent aucun "lien" qui leur permette de prendre la parole, l'unE d'entre elleuxs peut se porter volontaire pour lire sa phrase, et le jeu se poursuit de la même manière jusqu'à ce que chacunE ait lu son papier.
  • 10- Quand le tour le lecture est terminé, chacunE peut retirer un papier dans le chapeau, pour un nouveau tour de lecture.
  • 11- Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il n'y ai plus de papier.

A quoi ça pourrait bien servir?

Ce mode de « discussion » n'autorise pas d'échanges directs, mais permet une superposition progressive de "couches" de questionnement, interprétation sur un sujet. Ça ne permet certainement pas d'aboutir à un consensus, ni à une seule idée ou préoccupation commune. Au contraire, ça ouvre les questionnements, ça les rend multiples. Ça permet d'affiner un sujet conflictuel et compliqué à aborder en mettant en lumière sa complexité, plutôt que de le réduire à quelque chose de simplifié. C'est donc un mode de discussion qui peut être considéré comme introductif à un sujet difficile. Qui peut favoriser une mise en confiance entre personnes qui expriment pourtant des points de vue conflictuels (à des échelles individuelles et collectives).

L'ECOUTE EMPATHIQUE

A quoi ça pourrait bien servir d'abord

Le principe de l'écoute empahtique est de développer sa capacité d'écoute en se concentrant sur ce disent les autres et en faisant abstraction de son propre point-de-vue. Plus qu'une discussion, c'est une exercice de reformulation. On peut l'utiliser comme une première étape pour introduire une discussion thématique, notamment entre des personnes qui ne se connaissent pas bien : avant de discuter toutEs ensemble et sous d'autres formes, ça permet de prendre contact seulE à seulE et, surtout, de développer une qualité d'écoute qui se répercutera dans les discussions suivantes.

La recette maintenant

  • 1- On se met par deux, par exemple Arnolde (qui donnera son Avis), et Ronalde (qui s'efforcera de le Reformuler).
  • 2- Arnolde émet son avis sur le sujet de la discussion, selon une règle définie à l'avance. On peut décider qu'Arnolde ne va pas formuler un simple avis, mais par exemple une question, une définition, une expérience personnelle, un problème, une opposition ou je sais pas quoi d'autre qu'on pourrait déterminer à l'avance. Le principal c'est qu'elle n'exprime qu'une idée à la fois, parce que sinon, Ronalde va vraiment être débordée. Bien sûr, ça peut prendre quand même un peu de temps, si c'est une idée complexe qui demande à être développée et tout et tout. Mais pas trop quand même, sinon, c'est plus du jeu.
  • 3- Ronalde reformule l'avis de d'Arnolde.
  • 4- Soit cette reformulation convient à Arnolde qui considère que Ronalde a bien compris ce qu'elle voulait dire, et c'est fini. Soit Arnolde n'en n'est pas satisfaite, et elle explique à nouveau son point-de-vue.
  • 5- Et hop, Ronalde reformule une deuxième fois.
  • 6- Et zou, Arnolde est d'accord et c'est fini. Ou bien elle est encore obligée de reformuler parce que Ronalde est un peu bouchée.
  • 7- Et ainsi de suite jusqu'à arriver à un accord.

Ça, c'est la règle de base

  • 8- Et ensuite, on peut inverser les rôles et recommencer. Mais dans ce cas, c'est assez conseillé de changer de sujet de discussion, pour éviter que la seconde partie ne soit une manière déguisée de débattre du sujet et de répondre à Arnolde (parce qu'on pense qu'elle a dit que des conneries, ou bien qu'elle nous a donné plein d'idée subtiles). En effet, le but du jeu est de développer l'écoute en évitant d'avoir en même temps à comprendre ce que dit l'autre et à formuler dans sa tête ses propres réparties, tant et si bien qu'on n'écoute plus rien, parce qu'on pense juste à préparer la tirade qu'on va sortir soi-même. Je dis ça, mais je n'ai rien contre les tirades ni contre les joutes intellectuelles et autres discussions animées et productives. Là, c'est juste une proposition d'exercice (on n'aurait qu'à dire que c'est un « jeu » ou une « expérience », parce que c'est plus drôle), qui vise à isoler la fonction d'écoute pour mieux la comprendre et s'étonner soi-même (haha).
  • 9- Et après, c'est pas mal de se retrouver à plus de deux (à 5 ou à 45 selon les affinités du moment), pour poursuivre une réflexion commune, parce que c'est souvent à ce moment-là qu'on se rend compte qu'on se comporte plus vraiment comme avant. Et même, c'est encore mieux de se fixer un objectif à réaliser en commun dans cette discussion. Par exemple s'accorder sur la définition d'une ou plusieurs notions, rédiger une liste de propositions, ou bien une liste de questions, ou tout ce que vous voulez d'autre. Et là, si ça marche haha.

Liens et documentation

allez voir le compte-rendu suivi de multiples contributions et lien internet du "DEbat_sur_les_débats" qui s'est déroulé à Frayssinous.

STAMP: FichesTechniques/FormesDeDébat (dernière édition le 2008-12-19 18:59:52 par anonyme)