Vivre ensemble dans les collectifs
Ce débat a eu lieu le dimanche 27 à Baluet, comme complément au débat sur l'accès à la terre, après une fête mémorable... qui ne nous a pas empêché-e-s d'avoir les idées bien en place, quoique peut-être pas tout le monde. Bref ça a donné le riche débat que voici:
- C'est bien de chercher à libérer la terre du capitalisme, mais il ne faut pas oublier que le patriarcat sévit encore à l'intérieur de nos collectifs. Pour désamorcer les mécanismes de domination, on peut développer des pratiques au niveau des prises de parole.
- Dans les groupes de parole, qui peuvent par exemple se tenir une fois par mois, on évite une bonne partie des conflits, notamment grâce à des interventions extérieures et des échanges inter-générationnels. On apprend ainsi à vivre ensemble, c'est difficile mais très enrichissant. Le patriarcat et les représentations familiales sont incrustées en nous, donc il ne suffit pas de décider de changer pour changer effectivement. Il faut observer, puis déconstruire ces normes patriarcales; et pour ça il nous faut des outils. Par exemple: a) on observe en exprimant les ressentis: "Tu m'as blessé-e", "Oui, mais j'ai pas été respecté-e". b) on accepte ces ressentis, on donne une existence réelle aux sentiments. c) on tente d'analyser "Il y avait surement des bonnes raisons derrière ces réactions, quelles sont-elles?" d) on réfléchit à comment modifier nos attitudes pour prévenir les rapports oppressants dans la relation.
- Dans les assemblées, il est tentant de vouloir séparer les problèmes techniques et les problèmes relationnels, alors qu'ils sont souvent liés (p.ex. matériel et conflits personnels). If faut donner une qualité suffisante aux assemblées pour pouvoir poser tous les problèmes, y compris le relationnel.
- On peut comprendre parfois pourquoi on se retrouve séparé-e-s, avec ici les paysan-ne-s, là les pédés, ailleurs les immigré-e-s, etc... Mais au contraire on a besoin de se rassembler sur des bases communes, comme le fait que tout le monde subit le patriarcat.
- A Baluet, quand on n'était que 4 personnes, on n'avait pas besoin de groupes de parole, mais c'est devenu nécessire depuis que 5 nouvelles personnes nous ont rejoint, même si a priori il y avait de fortes affinités. Donc on tient ces groupes de parole une fois par mois, hors des assemblées, avec des personnes choisies, La règle étant qu'on ne peut pas esquiver. Lorsqu'il y a des intervenant-e-s extérieur-e-s, ça permet de traduire certaines choses trop difficiles à exprimer, ou d'éviter les prises de pouvoir pour que ça reste horizontal.
- Quand on a appris à se connaître, il y a des acquis qu'on ne remet plus en question. Mais comment faire quand quelqu'un débarque d'ailleurs, dans un milieu dont il-elle ne connaît pas les codes, les normes? Il faut aider les autres avec sa propre expérience.
- A Frayssinous, on n'arrivait pas à prendre du recul, donc on avait des conflits qui se répétaient. On a essayer de pratiquer le théatre-forum: on rejoue les situations de conflit, ce qui permet de prendre du recul, en ajoutant aussi de l'humour. Les plus timides peuvent aussi prendre part plus facilement. On peut prendre position, interchanger les rôles... Mais il ne faut pas en abuser, ça peut devenir dangereux pour les cerveaux!
- Sujet difficile: le langage utilisé, les mots qui peuvent avoir des impacts différents. Quel que ce soit l'outil de communication, ça reste dur: mieux vaut multiplier les outils.
- On entend toujours ce discours "il faut créer des liens" sans jamais se demander: pourquoi s'attacher? Face au capitalisme, ne faut-il pas plutôt créer des espaces de liberté de choix?
- On a de toute façon besoin de relations, de toutes sortes d'alliances pour ne pas être isolé-e-s.
- On entend toujours ce discours "il faut créer des liens" sans jamais se demander: pourquoi s'attacher? Face au capitalisme, ne faut-il pas plutôt créer des espaces de liberté de choix?
- On a de toute façon besoin de relations, de toutes sortes d'alliances pour ne pas être isolé-e-s.
C'est vrai que pour beaucoup de personnes c'est dur de prendre la parole en public, qu'on peut se faire violence. Mais l'enjeu est très important: être vrai-e dans ses relations, ne pas faire semblant. Il faut forcément prendre des risques au niveau intime pour y arriver.
- Quand on fait des grands groupes, il y en a joujours qui parlent moins, surtout des femmes. On peut limiter voire éviter ça en faisant des petits groupes.
- Pour que les gens réservés, ou ayant besoin de temps pour cadrer leurs idées (alors que d'autres arrivent facilement à rebondir du tac au tac), il est bon de laisser des temps de silence, pour offrir une porte ouverte à ces gens pour s'exprimer.
- C'est gênant quand dans les débats on arrive toujours à des oppositions, alors qu'il y a juste une diversité de points de vue complémentaires.
- Souvent on a peur de la parole, mais de toute façon on l'utilise d'une manière ou d'une autre. Expérience intéressante: pendant la caravane féministe l'an dernier, il y a eu une rencontre avec des gens des quartiers, qui en bonne partie parlent en arabe-français d'où des différences de langage importantes. La formule des discussions en plus petits groupes a sérieusement aidé les gens timides à s'exprimer.
- Autres outils: On peut aussi faire des réunions sans fumée, ou alors lorsqu'on se sépare en petits groupes, il peut y avoir un groupe de fumeurs-euses.
- Il n'y a pas que la parole qui compte, il y a aussi tous ces moments dans une journée où on ne parle pas. Et pourquoi toujours se lier, se grouper? Des fois ça prend simplement trop d'énergie...
- On peut aussi entrer en relation en organisant le "faire" en commun, on échange ainsi de l'énergie, de la créativité... Ca aide à se connaitre et à se faire confiance, et c'est ensuite plus facile de se parler. Il y a des exemples en Afrique ou au Brésil avec la capoeira, où à la fin des activités communes il y a un temps pour la parole, tour à tour. Ce genre de choses amène une évolution, la confiance vient même aux plus timides.
- N'empêche qu'on est tout le temps dans le "faire", et que c'est indispensable de proposer des moments (sans passer tout son temps à parler bien sûr) pour réfléchir ensemble à ce qu'on fait, et à où et pourquoi on a explosé, où on a pas assez parlé, etc... Faut bien voir qu'on est toujours dans des collectifs, même un couple c'est une sorte de collectif.
- Diverses idées de jeu ont été mises par écrit, une personne présente en a en anglais. Il est intéressant de diffuser ce genre de document.
- Dans les expériences collectives, il y a plein d'acivités qui procurent du plaisir, commes les activités dites "futiles": peinture, chant... Ca fait aussi partie de nos besoins!
- Il y a aussi les activités individuelles qui peuvent être organisées collectivement, pas seulement celles pour la collectivité.
Il faut distinguer les étapes dans un projet de vie collectif: a) avant l'accès au terrain, il y a la base d'un projet, il faut bien en discuter pour le définir. b) la vie quotidienne fait apparaitre de nouvelles problématiques, on est tou-te-s différent-e-s et il faut arriver à continuer à échanger. c) quand le collectif s'élargit, il faut aussi beaucoup de discussion sur le projet, sur les envies, établir une confiance.
- Il ne faut pas perdre de vue, malgré les différences et les conflits, nos idées communes qui sont derrière tout ça. Ca fait une différence avec les gens qui sont isolé-e-s.
- Comment communiquer avec les gens qui ne connaissent pas ce monde merveilleux qui est le notre? Comment accueillir quelqu'un-e qui est peu habitué-e à ces fonctionnements? Souvent les gens sont rebuté-e-s par la fermeture d'un groupe, et repartent car illes ne se sentent pas invité-e-s. C'est très important de faire attention à ça! Comment coacher, écouter ce qu'illes veulent, partager ce qui est génial pour nous...
- Mais tout ici n'est pas merveilleux, loin de là!
- L'ouverture vers l'extérieur n'est pas toujours facile, par exemple avec les journalistes (écolos ou autres) qui débarquent comme dqns un zoo sans rien demander à personne. Mais si on arrive à utiliser les média pour montrer nos expériences, ça peut aider à un dégel avec des gens extérieurs. Et amener à d'autres ouvertures, par exemple en parageant un repas pour discuter et voir les envies.
- Mais il faut quand même aller chercher les gens, il faut faire des pas, ça ne se fait pas tout seul. Se demander comment déconstruire notre regard par rapports aux autres (p.ex. gens des quartiers), ensuite seulement les gens peuvent venir. Mais il faut du temps, ce qui nous manquait lors de l'occupation à Toulouse.
Il est important de créer nos propres médias, en plus d'utiliser les autres. Mais comment inclure d'autres gens dans nos outils? Il faut aller dans des lieux qui sont différents politiquement, tenir des tables de presse sur les marchés, éviter le radicalisme médiatique. Les paroles dogmatiques créent un mur! En plus, il faudrait prévenir les paroles négatives de nos "ennemis" dans les médias.
- Comment arriver à casser les murs entre les mondes? On essaie de le faire entre hommes et femmes, mais faut bien voir que les fachos, par exemple, sont aussi dans leur monde bien à eux, qu'on aperçoit que dans des moments d'opposition. Mais au fond on a tou-te-s les mêmes besoins.
- Les étiquettes dans les luttes peuvent faire que les gens ne se sentent pas concerné-e-s. D'autre part, c'est essentiel qu'on perçoive un espoir, qu'il y ait un projet. Il faut aussi parler avec le langage du coeur!