L’Action Mondiale des Peuples c’est quoi?
Histoires et perspectives sur l’Action Mondiale des Peuples en Europe !
People’s Global Action (PGA) ou l’Action Mondiale des Peuples (AMP). Il est possible que ce nom ne vous soit pas inconnu. Mais il se peut aussi que vous ne situiez pas exactement les dynamiques politiques et structures qu’il recouvre. Voici donc un petit retour en arrière, avec en perspective la prochaine conférence européenne de l’amp europe, à belgrade à l’été 2004, et le développement de structures d’échanges pour les mouvances anti-autoritaires et anticapitalistes. Ce texte se centre surtout sur une présentation de l’amp en Europe, mais fait aussi parfois mention de l’histoire et de la dynamique globale... Le terme AMPe réfère à l’amp europe. Ce texte n’a bien sur pas pour vocation de présenter la vérité sur l’histoire et les objectifs politiques de l’AMPe. Personne ne parle au nom de l’AMPe, ni ne la représente Il ne s’agit ici que de points de vue partiels, de quelques individu-es impliqué-es dans une dynamique large, complexe et passionante.
Des origines aux contre-sommets...
A la suite de l’insurrection zapatiste en janvier 1994 au Mexique, un certain nombre de rencontres ont eu lieu, dont les fameuses “intergalactiques contre le néolibéralisme et pour l’humanité”, d’abord au chiapas et ensuite en Espagne. Dans le contexte de marasme politique de l’époque (période post chute du Mur et donc triomphe éphémère de la pensée unique) les indigènes zapatistes et leur rebellion avaient su créer unélectrochoc d’espoir, un peu partout dans le monde. A l’issue de ces rencontres, on a vu apparaître, d’abord dans les réflexions théoriques puis concrètement, l’idée d’un réseau mondial de coordination d’actions et d’échange d’informations, notamment pour s’attaquer à l’existence même de l’Organisation Mondiale du Commerce. En février 1998 se tenait à Genève la 1ère conférence globale de l’ « Action Mondiale des Peuples contre le néo-libéralisme et l’Organisation Mondiale du Commerce ». Plusieurs centaines de représentant-e-s de mouvements populaires du monde entier s’y retrouvèrent : travailleur-euses de la poste canadienne, écologistes de earth first, militant-es antinucléaires et fermiè-res français-es, indigènes maori, U’wa, peuples ogonis, syndicalistes coréen-es, réseau des femmes indigènes d’amérique du nord, écologistes ukrainien-nes radicales-aux et des représentants de mouvements paysans des quatres coins de la planète....). Ils/elles s’accordèrent sur un manifeste politique(1), sur l’utilisation de l’action directe comme moyen de lutte, sur une philosophie organisationelle basée sur la décentralisation et l’autonomie, ainsi que sur la construction d’alternatives basées sur la démocratie directe. Le tout dynamisé par 12 mouvements, répartis régionalement tout autour de la planète et qui avaient un rôle particulier, les “convenors”.
Les convenors...
Les convenors sont des collectifs qui agissent en tant que points de contact, d’information, de coordination. Ils co-organisent les conférences, mondiales ou régionales de l’AMP. Ils peuvent aussi initier des journées globales d’actions décentralisées notamment par le passé à l’occasion de sommets de l’OMC. Ils changent régulièrement, à chaque conférence “régionale”. Lors du premier comité de convenors, il y avait 3 convenors d’amérique latine, 1 d’europe de ‘louest et un d’europe de l’est et deux d’asie. Ils sont actuellement souvent plusieurs par région, notamment en Amérique latine, et leur travail se partage avec d’autres collectifs. Les premiers convenors européens furent “reclaim the streets” qui, partant de l’écologie radicale et des road protest, avaient participé à faire évoluer les modes d’actions directes anticapitalistes, notamment par la pratique des fêtes de rue comme bloquages ou les liens créés avec des mouvements de travailleurs/euses commes les dockers de liverpool ou les employé-e-s du métro londonien. En Asie, des tâches de convenors ont été assumée par le KRRS, syndicat regroupant plusieurs millions de paysan-ne-s indien-n-es et connu pour sa pratique d’incendie des champs d’OGM Monsanto, ou l’alliance nationale des mouvements populaires ( qui inclut le Narmada Bachao Andol, un mouvement indigène luttant contre les barrages du Narmada, le forum na-tional des pêcheurs-euse-s, l’union des laboureurs-euse-s sans terre d’Andhra pradesh, etc.). Le convenor actuel d’Asie est la fédération krisholk (le mouvement des paysan-ne-s sans terre et précaires du bangladesh). En Amérique latine, PGA a été la croisée de cultures et histoires très diverses, depuis la CONFEUNASCC, un syndicat de petits agriculteur-euses en Equateur, le mouvement des jeunes Kuna, le mouvement des planteurs-euse-ss de coca bolivien-ne-s, des groupes du mouvement des sans-terres ou des jeunes anarchistes urbains du Brésil.
Et la résistance devint aussi transnationale que le capital...
En mai 1998, les premières initiatives issues de l’AMP furent quatre jours de résistances partout dans le monde à l’occasion du sommet du G8 en angleterre et de celui de l’OMC à Genève. Il s’agissait de la seconde conférence ministérielle depuis la création de l’OMC, et la célébration annoncée de 50 ans de GATT et de règne capitaliste depuis la seconde guerre mondiale. Ce fut en fait l’inauguration d’une longue série de contre-sommets par des protestations parmis les plus enfièvrées qu’ait connu Genève, la fuite des participants au G8 hors de leur cénacle de Birmingham après l’envahissement de la ville, et 200 000 paysan-nes indien-nes manifestant pour réclamer la mort de l’OMC. En tout, des actes de résistance pendant 4 jours. A l’époque la dynamique était encore très centrée sur des initiatives locales et des journées mondiales d’actions décentralisées et initiées par des appels de l’AMP. Une des plus retentissantes fut la journée anticapitaliste du 18 juin 1999 (J18), toujours pour le sommet du G8, à Cologne cette fois. Il y eut des actions organisées dans 72 lieux différents, l’arrivée à Cologne de la Caravane Intercontinentale (formées de quelques centaines de représentants de collectifs d’Inde et d’autres pays du sud) , l’occupation festive de la City de Londres et la mise à sac d’un centre boursier par quelques milliers de manifestant-es. Cette période amena la réapparition massive du terme “anticapitaliste” dans les milieux militants et les médias, et la concrétisation du slogan “notre lutte est aussi transnationale que le capital”.
A Seattle en novembre 1999, la fermeture de la conférence interministérielle de l’OMC fit la démonstration de l’efficacité d’une multitude d’actions directes organisées par petits groupes affinitaires (et quelquefois extrêmement coordonnées comme les bloquages des axes routiers). Des actions se répartirent dans plus de 70 pays. La « bataille de Seattle », guidée par les groupes radicaux, fut cependant bien vite récupérée par la gauche citoyenniste, qui chercha à en faire un mythe fondateur de ses nouvelles stratégies de cogestion du pouvoir. En septembre 2000, le sommet du FMI et de la Banque mondiale, à Prague, fut l’occasion pour l’ampE de tester la complémentarité de diverses tactiques de luttes, festives, transgenres et mouvantes (le pink bloc), basées sur le sabo-tage (le black bloc) ou l’offensive non-violente (le yellow block). Il y eut aussi des multitudes d’initiatives préparatoires, à l’instar de la“caravane anticapitaliste”, actions nomades initiées par le réseau sans-titre en espace francophone.
Les contre-sommets, transfomés en nouvelles grand-messes militantes, s’enchaînèrent ensuite, malgré le coup de glas répressif de Gènes. Si ces contre-sommets regroupent aujourd’hui un spectre de groupes, partis politiques, associations ou ONG “citoyennes”, beaucoup plus large que ceux se reconnaissant dans l’AMP, on oublie souvent que la base de cette dynamique est directement issue du travail des groupes radicaux et d’un refus clair du lobbyisme, de l’Etat-providence et de la “démocratie” parlementaire.
Les hallmarks de l’AMP
L’objectif des échanges AMP et du réseau AMP est de connecter des groupes locaux qui s’accordent avec les hallmarks de l’AMP.
- un rejet très clair du féodalisme, du capitalisme, et de l'impérialisme, ainsi que de tous les accords commerciaux, institutions et gouvernements promoteurs d'une mondialisation destructrice.
- un rejet très clair de toutes formes et systèmes de domination et de discrimination dont (et de manière non exhaustive) le patriarcat, le racisme et le fondamentalisme religieux. Nous reconnaissons la dignité entière de tous les êtres humains.
- une attitude de confrontation, puisque nous ne pensons pas que le “lobbying” puisse avoir un impact majeur sur des organisations à tel point partiales et antidémocratiques, pour lesquelles le capital transnational est le seul facteur réel déterminant leur politique.
- un appel à l’action directe et à la désobéissance civile, au soutien des luttes et des mouvements sociaux, mettant en avant des formes de résistance qui maximisent le respect pour la vie et pour les droits des peuples opprimés, ainsi qu’à la construction d’alternatives locales au capitalisme mondial.
- une philosophie organisationelle basée sur la décentralisation et l’autonomie. PGA est un outil de coordination, pas une organisation.
PGA n’a pas de membres et n’aura pas de représentation juridique. Nulle organisation ou personne ne peut représenter PGA.
Evolution politique et autres formes d’actions...
En dehors de ces manifestations de masse guidées par l’agenda des institutions capitalistes, la dynamique AMP a été à l’origine d’autres initiatives plus ou moins retentissantes. La Caravane Intercontinentale a par exemple permis à quelque 400 représentant-e-s de mouvements paysans de l’Inde et à 50 de mouvements populaires du“Sud” de venir manifester directement au pied d’institutions (OMC, FMI, OCDE, OTAN, etc.) ou de sièges de multinationales en Europe, de détruire des champs d’ogm et un laboratoire de recherche d’Etat ou d’échanger avec des mouvements européens.
Les journées mondiales d’actions furent aussi l’occasion de développer des pratiques d’action créatives, même en petit groupe : fêtes de rues, blocages, occupations, carnavals anticapitalistes, etc. Cette décentralisation et l’accroissement des contacts entre les groupes permis de mettre en place divers outils de communication publique participatifs comme indymedia (il y a maintenant plus de 130 sites indymedia à travers le monde. Indymedia a été appelé la « plus grande organisation bénévole du monde »). D’autres sont plus internes comme les listes mail de l’ampE, carrefour d’annonces d’actions ou d’analyses aux 4 coins du monde.
En juillet 2002, le campement international no border de strasbourg, marqua une rencontre entre les modes d’organisation et approches anticapitaliste de l’ampE, et des actions sur l’immigration et pratiques de campement offensifs propre au réseau international No Border. Il en résulta une expérience nouvelle (et encore hésitante) d’autogestion, de démocratie directe et d’action décentralisées à 2000 pendant 8 jours. Cette expérience allait cependant très rapidement devenir une base pour d’autres campement de ce type qui se propagèrent lors des manifestations contre le G8 de mai 2003 en France et en Suisse.
La 2e conférence mondiale de l’AMP eut lieu à bangalore en Inde en août 1999 et fut l’occasion pour le réseau, d’affirmer, au delà du “libre échange”, une volonté d’attaque générale contre le capitalisme et les autres formes de domination comme le sexisme et le racisme. La décision y fut prise par ailleurs de démarquer plus clairement le réseau de l’AMP de groupes opposés à la mondialisation, mais dont les idées divergent fondamentalement des nôtres comme les groupements d’extrême droite, les partis politiques ou les ONG réformistes. La 3e conférence de l’AMP eu lieu à Cocha bomba en Bolivie et mis notamment l’accent sur l’importance des processus régionaux et locaux. La 4e conférence mondiale de l'AMP se prépare actuellement en Inde.(voir texte sur le processus mondial sur www.poivron.org/~stamp.
Malgré ces divers aspects positifs et après quelques années d’activisme (trop ?) éffréné, un certain nombre de critiques sur les modes d’orga nisation et les objectifs politiques de l’AMP se firent de plus en plus visibles. Les mettre à plat, pour le réseau européen tout au moins, était l’un des enjeux de la conférence AMPe de Leiden, en août 2002.
La deuxième conférence européenne de l’AMPe...
La première conférence européenne de l’ampE avait eu lieu à Milan en 2000 sous l’hospice de du mouvement “ya basta !” pour la désobéissance civile et sociale. La deuxième eu lieu en septembre 2002 dans la petite ville de Leiden au Pays-bas et fut accueuillie parEuroDusnie, collectif anarchiste, et co-convenors européen avec le Movimiento de Resistencia Global de Catalogne . Moultes personnes des quatre coins de l’Europe avaient convergé pour partager analyses et discussions, 500 au total furent répertoriées à l’inscription. Un des premiers intérêts d’une réunion de ce type se trouvait tout simplement dans la rencontre individuelle et le fait de rendre visible, notamment aux yeux des partici-pant-e-s elleux-mêmes, l’existence d’une mouvance, d’un état d’esprit commun. C’est aussi l’occasion de faire un état des lieux des forces et des luttes en présence, des questionnements communs et ensuite de chercher à avancer sur le couplet “qu’avons-nous à proposer ?”.
Tout cela dans une ambiance de recherche de nouveaux déclics après la secousse de Gènes et du 11 septembre: menaces nouvelles liées à l’hystérie sécuritaire et guerrière des “global leaders” et apeurement des populations. Deux enjeux principaux avaient été formulés pour les discussions : la structuration du réseau et les stratégies de changement social.
Nos hôtes néerlandais-es avaient assuré une organisation visant à un processus participatif des personnes présentes. Celles-ci étaient invitées à s’impliquer dans la cuisine, le ménage, la modération et la préparation des ateliers de discussion, la création d’un journal quotidien rendant compte des ateliers et débats. Un dispositif avait également été mis en place pour favoriser le déplacement de membres de collectifs des pays situés à l’est de la frontière de l’UE, par une redistribution de la participation aux frais des habitant-e-s de la zone occidentale.
La question des critères d’admission avait été posée, sur la base des hallmarks de l’amp. Il n’y avait cependant pas de mode de sélection coercitif, seul un questionnaire de motivation a été proposé à l’inscription.
Les personnes avaient été vivement encouragées à préparer localement la conférence. Les journées de discussion furent très chargées et studieuses, principalement en petits ateliers consacrés aux nombreuses thématiques proposées par les participant-e-s, à des débats stratégiques généraux pour le “mouvement”, ainsi qu’à des groupe de travail sur les structures de l’AMPe. La question des formes de discussions et de décision furent l’objet de vifs débats guidés par la volonté de favoriser des formes participatives, égalitaires et de neutraliser les prises de pouvoir (notamment par des facilitations, gestes, petits groupes, recherche progressive de consensus...)
De la tyrannie de l’absence de structures...
L’équilibre entre le formel et l’informel dans le fonctionnement de l’AMPe en tant que réseau était donc point important à l’ordre des débats de structure. L’AMPe est mûe par un fort pen-chant pour les modes de relations organiques et affinitaires. Mais il apparaissait également que le fait de ne pas savoir formellement “qui s’occupe de quoi” rend flou le partage des responsabilités et les lieux de prise des décisions. Cela peut amener au final à la création de hiérarchies informelles et d’autant plus difficiles à déconstruire qu’invisibles. Tout le défi consiste donc à rendre plus explicite le mode de fonctionnement, sans rigidité crispée ni retour de flamme de nos réflexes conditionnés - autoritaires et bureaucratiques (2). Au final, le travail sur les structures de l’AMPe (listes, sites web, relais d’informations et de contacts, organisation des conférences) devrait se faire de manière beaucoup plus formelle et ouverte...en espérant que beaucoup plus de monde s’y investisse. Face à l’absence de nouveaux convenors et au besoin de préciser le travail sur les structures du réseau, un nouvelle réunion de travail de l’ampE fut accueuillie à l’espace autogéré des tanneries de dijon/france, en mars 2003. C’est à ce moment là que DSM, regroupement anticapitaliste de belgrade, se proposèrent comme convenors.
Les bilans et décisions sur le processus de l’ampE de leiden, complétés à dijon, sont consultables en détail sur le web(3). Elles se basent sur les principes organisationnels de l’AMP, revus à Cocha bamba.
Les points d’infos...
Pour faire avancer la dynamique de l’AMPe plus largement et favoriser sa prise en main localement, la mise en place de “points infos” a été prise en charge, depuis leiden, par une série de groupes locaux impliqués dans l’ampE.
Il s’agit de relayer l’infos, sur les conférences, l’histoire et les projets du réseau pour les personnes intéressées. Ces points d’infos ne constituent en aucun cas des “membres” de l’AMPe, mais doivent servir à rendre plus visible un réseau qui ne s’exprime finalement jamais en tant que tel. Une liste de contacts est disponible sur le net.
Les convenors européens et le groupe de processus...
Le rôle des convenors européens a été défini à leiden comme l’organisation de la conférence européenne, la dynamisation et la visibilisation du réseau, ainsi que le maintien des infra-structures (site web, liste, contacts) et des contacts avec le reste du globe. Depuis dijon, il a été décidé que ces tâches seraient partagés avec les différents collectifs (en particulier les points d’info) souhaitant s’impliquer dans le processus et les structures de l’ampE. Ces collectifs constituent le “groupe de processus”.
Un des outils forts du réseau est le site web de l’AMP qui propose un grand nombre de textes historiques, annonces et compte-rendus d’action, compte-rendus issus des conférences de l’AMP. Un autre outil en développement est le sitehttps://global.so36.net, un projet d’archives globales thématiques du mouvement sur lequel vous pouvez publier des articles sur des thèmes et actions.
3 listes web on été créé comme outil de com-munication pour l’AMPe... la liste pga_process où devrait être inscrits tous les collectifs impliqués dans les structures de l’ampE et leur mise en place (conférence, listes, web, points d’infos...) la liste pga_resistance, liste d’annonce et de compte-rendus d’évènements et d’actions. la liste pga_discussion, consacrée au textes de fond et débats. Pour s’abonner à ces listes, allez au formulaire web.
Les campagnes soutenues...
Des groupes de travail thématique fonctionnant sur les principes de l’amp se mettent en place depuis leiden, l’un sur l’eau, un autre sur la mise en place de forums alternatifs lors des forums sociaux (le hub). Un dynamique de travail spécifique sur les questions de genre a été démarrée après Dijon.
Et finalement, l’AMP c’est quoi ? Un réseau, une co-ordination, une structure ordination d’échange?...
Ces discussions posèrent la question des pouvoirs et limites d’un réseau qui se veut basé sur la décentralisation et l’autonomie, qui ne compte pas de membres, de bureaux ou de compte en banque, et où personne ne peut parler ou décider au nom de l’AMP. Le débat sur le rôle de l’AMPe a été relancé, depuis Leiden et dijon (et se trouve encore loin d’être résolu). Pour certain-es, il en ressort qu’à la différence des partis ou d’autres formes de coordination, l’ampE ne devrait pas viser à décider en son nom de campagnes d’actions.
Même si les rencontres, structures de communication et réseaux de contacts qu’elle offre ont pu grandement faciliter la mise en place d’initiatives concrètes communes, comme en décembre 2002 encore, avec la journée mondiale d’action en soutien à la rebellion en argentine, ou en juin 2003 sur une partie des actions anti-G8. Cela ne signifie pas que les conférences AMPe, les convenors ou de simples groupes ne puissent prendre d’initiatives pour lancer, vis à vis de l’ensemble du réseau, des propositions d’actions ou des campagnes. L’originalité et le dynamisme de l’AMPe tient au contraire pour bonne part au fait d’être une forme de connection qui puisse inspirer des actions. En pratique, les propositions sont venues par le passé de manière décentralisées. Les appels à action pour Prague ou Seattle, par exemple, ont été initiées par des groupes locaux puis reprises par les convenors. L’action appartient aux collectifs qui la relaient, et agissent localement en leur nom propre. Pour ces raisons, le réseau AMP en tant que tel n’apparait généralement pas, ce qui ne le rend pas forcément moins efficace qu’une forme d’organisation traditionelle.
L’ampE ne vise pas à prendre des décisions consensuelles sur la stratégie globale à suivre pour la révolution mondiale. Hormis le manifeste et les principes/hallmarks, les groupes impliqués dans l’AMPe peuvent être en désaccord sur toutes sortes de choses (des formes particulières d’action ou le fait d’aller aux forums sociaux par exemple) sans avoir à scissioner ou se disputer indéfiniment. Les collectifs peuvent ainsi essayer diverses expériences politques et revenir en discuter après.
Pour certain-e-s, l’AMPe ne devrait décider officiellement que de ses modes de structuration et des moyens à se donner pour mettre en place les rencontres, listes, sites web... elle serait donc surtout une structure d’échange pour les divers groupes qui se retrouvent dans ses principes. Un potentiel déjà énorme puisqu’il permet à une échelle régionale et mondiale de favoriser des moments de coordination, d’apprendre à se connaitre, de confronter nos diverses cultures de lutte, de transmettre des idées d’actions, contacts et ressources, d’avoir ensemble des moments privilégiés de bilan de nos actions et de débats de fond.Pour d’autres, l’AMPe devrait, pour garder un dynamique plus excitante, pouvoir relancer régulièrement en son nom, en sus, des campagnes ou journées coordonnées d’action.
A suivre...
D’autres débats en cours au sein de l’AMPe...
Sortir du ghetto...
La question de l’ouverture de nos groupes et réseaux, qui cèdent parfois au schéma de la tribu identitaire et fermée, s’est posée à plusieurs reprises : comment sortir d’un ghetto d’activistes sûr-e-s de leur vérité et de leurs méthodes, sans diluer l’aspiration radicale de nos luttes et pratiques ? Ainsi, en jetant un regard analytique sur la composition des assemblées, en europe tout au moins, on constate qu’elles sont majoritairement constituées de “spécialistes” du militantisme âgées de 20 à 30 ans - même si on voit passer quelques cheveux blancs -, et une hégémonie de personnes blanches issues des classes moyennes. Ces ob-servations sont révélatrices du manque de liens avec les autres catégories de gens (notamment les immigré-es et sans-papier- es, mais aussi plus généralement les classes populaires). Une contradiction problématique de nos lutte, en Europe tout au moins, et d’un réseau qui se revendique “Action Mondiale des Peuples”.
Aperçu des réflexions stratégiques...
Les thèmes de discussions et campagnes politiques abordées étaient multiples. Cependant, quelques grandes questions ont pu agiter les débats. En voici un aperçu. Le champ des contre-sommets qui a constitué un credo commun pendant à peu près deux ans a fait l’objet depuis le printemps 2000 de diverses critiques: piège de la spirale répressive, manque d’attention aux luttes locales, récupération par la gauche citoyenniste, recherche du con-sensus unitaire et de la masse au dépend d’une analyse de fond, perte de l’effet de surprise, du choix du lieu, du temps, manque du renouvellement constant nécessaire à l’efficacité de nos actions. Depuis Seattle, les contre-sommets devraient pour certain-es être abandonnés aux syndicats et ONG. Adeptes de l’action concrète et directe, beaucoup veulent créer la surprise sous d’autres formes et dans des territoires moins quadrillés par les forces de répression. D’autres estiment que même si ces critiques sont sans nul doute fondées, il serait regrettable d’abandonner tout simplement le terrain aux flics et réformistes quand on sait que l’énorme «aimant » que nous avons créé attire encore des milliers de personnes pour qui que le bla-bla social démocrate n’est pas forcément le credo. Il semble aussi évident que nous ne pouvons affirmer vouloir sortir d’un ghetto et parler à toute sorte de personnes, si nous refusons par exemple de parler à des militant-e-s de base d’Attac ou d’autres attiré-e-s par les contre-sommets.
Il s’agissait aussi, dans tous les cas, de ne plus identifier l’ennemi aux seules grosses multinationales et institutions financières, mais de recentrer la critique sur l’Etat, le contrôel social, ainsi que sur les rapports de domination (dont le sexisme, racisme, homo/lesbophobie...), et à la manière dont ils s’intègrent en nous-mêmes, dans notre quotidien et aux divers échelons des rapports sociaux. En restant inventif/ve/s et imprévisibles, il reste possible de secouer la résignation et le goût pour l’aliénation de nos contemporain-nes. Il a été parlé de développer des chantiers d’autonomisation, des actions ludiques, assemblées de rue, caravanes ponctuelles ou permanentes, campement, occupations ou nouvelles journées internationales d’actions dans des lieux et heures que nous choisirons.
L’importance des expériences autogestionnaires, des squats et autres zones autonomes temporaires ou permanentes, et les périls qui les guettent actuellement en europe, ont été soulignées. Des suggestions quant à diverses formes de camouflage ou de tactique anti-répression ont aussi été partagées dans l’optique d’éviter les petites cases (cages...) de terroriste dans lesquelles on cherche à nous enfermer.
Sans star médiatique ni expert-e ou théoricien-ne attitré-e, l’AMPe avançe, grâce aux apports multiples des créativités singulières, dans le défi de reconstruire des cadres communs pour l’action collective - à l’attention de ceux et celles qui n’ont aucune aspiration à se reconnaître dans la gauche des partis et des syndicats avec leur cortège d’organisations hiérarchiques et puritaines.
Depuis lors... Eté 2004 / La 3e conférence européenne de l'AMP à Belgrade...
La 3e conférence européenne de l'AMP a eu lieu à Belgrade à l'été 2004. Elle a été le fruit d'une collaboration entre DSM, une coalition anti-autoritaire et anticapitaliste basée en Serbie et certain nombre de militant-e-s d'autre pays impliqués dans l'AMPe. L'organisation de cette conférence, issue de l'envie de sortir le réseau européen de son occidentalo-centrisme, relevait d'un certain défi notamment du fait de la relative fragilité des structures militantes en serbie. Le contexte était à la fois difficile et motivant : un pays au sortir d'une période de guerre et de dictature avec des mouvements nationalistes et “hooligans” extrêmement actifs, une société en train d'être accaparée à toute vitesse par l'économie de marché où la plupart des entreprises et industries sont en train d'être privatisées, rachetés par les grand groupes occidentaux ou fermées, avec 1 millions de chômeur-euses sur 7 millions d'habitant-e-s. Il était excitant, sans idéaliser un contexte très dur, d'y trouver, derrière le mirage de la société de consommation, l'entretien de liens sociaux et de formes de convivialités, des structures de débrouilles, potagers et économie parallèles, des relents d'un passé avec certaines pratiques coopératives et autogestionnaires, et une défiance vis à vis des ONG. Autant de traits sociaux singuliers desquels apprendre et souvent malheureusement bien peu présents à l'ouest de l'Europe.
Au niveau de l'organisation de la conférence, une envie théorique doublée d'une nécessité pratique au vu du relatif manque d'expérience des convenors, ont poussé à creuser les formes plus participatives de conférence déjà expérimentées à Leiden. Un groupe international de préparation est arrivé sur place une dizaine de jours avant. Divers groupes de travail (facilitation des réunions, acceuil, point d'infos, traduction, réseau informatique, cuisine, “sécurité”, liens avec les locaux, médias...) avec des réunions autonomes ont été créés et ont tenté de perdurer tout au long de la conférence en invitant les 700 conférencièr-e-s à y participer. Chaque soir avait lieu une réunion décisionelle de coordination ouverte, à laquelle des représentant-e-s de ces différents groupes de travail étaient convié-e-s et qui devait traiter des diverses problématiques transversales et de la coordination nécessaire entre les groupes. En terme de prise de décision sur les structures du réseau, il semblait important de ne pas renouveler l'expérience de l'assemblée de la plénière à 400 de leiden, qui laissait peu de place de réflexion et d'expression, hormis aux “ténors” du réseau et qui n'avaient été préparée que par un petit groupe de “spécialistes”. Il fut donc décidé d'avoir chaque jour divers groupes de travail sur le processus AMPe préparant l'assemblée finale. Celle-ci consista en l'expérimentation, assez réussie de l'avis des participant-e-s, d'un “spokes council”. Les 300 personnes présentes étaient regroupées dans un même espace mais au sein de groupes affinitaires de 10 à 20 personnes. Chaque série de propositions thématiques sur lesquelles des décisions devaient être prises (le processus mondial, les actions dans l'AMPe, les structures du réseau, les relations aux ong, syndicats et forums sociaux, les questions de genre) étaient réfléchie d'abord en groupe affinitaire puis décidée par un aller et retour constant entre un cercle de porte-paroles et leur groupe situé derrière elles/eux. Ceci permit au final que la plupart des plupart des personnes présentes puissent exprimer leur point de vue avec un processus décisionnel beaucoup plus subtil que lors des habituelles assemblées générales ou règnent le spectacle et les grandes gueules.
La conférence qui se déroulait dans l'école d'une banlieue plutôt classe moyenne de Belgrade amena une cohabitation beaucoup plus fusionnelle qu'à Leiden avec les “locaux” et un certain nombre d'activités, causeries et fête dans un mélange souvent stimulant de curiosité et d'attirance et ce malgré des situations parfois un peu plus explosives notamment sur des questions d'homo/lesbophobie ou de défiance vis à vis des “gens de l'ouest”. Il y eut aussi une certaine ouverture plus grande hors du ghetto marginal, notamment par le biais d'une manifestation et d'une journée de réunion entre et avec des syndicalistes en lutte contre les privatisations d'usines. Citons encore une rencontre festive mémorable entre la samba de rhythm of resistance et un orchestre de la communauté rom locale, qui amena des échanges d'expériences et projets entre des militant-e-s des réseaux no border et migrant-e-s.
En terme de contenu, on assista encore une fois à un foisonnement, parfois trop chaotique au goût de certain-e-s, d'ateliers, projections et discussions les plus diverses. A noter que divers débats et cris de colère depuis Leiden avait amené à la constitution d'un groupe de travail sur les questions de genre. Malgré les réticences et tensions que la remise en cause des rapports de pouvoir au sein même de nos groupes et réseaux ne manquent pas d'apporter, une collaboration fructueuse entre des collectifs féministes et antipatriarcaux de divers pays d'Europe et de Serbie a permis la réalisation d'une journée thématique spécialement consacrées au luttes antipatriarcales, la création d'espace non-mixtes femmes, lesbiennes, homos et transgenres au sein de la conférence, et même (sujet encore hautement controversé en Europe) la tenue d'une réunion de réflexion contre le masculinisme entre hommes. Ce moment démarra par le partage d'expérience d'un groupe serbe sur les violences masculines contre les femmes, qui organise des rencontres et essaient de revenir sur une histoire encore “chaude” de propagandes et vécus guerriers et virilistes dans un pays ou le maintien des vieillles structures patriarcales, l'église orthodoxe et le passage éclair au néo-libéralisme accroissent la marginalisation des femmes et où les participant-e-s à la dernière gay pride ont été tabassé-e-s durement par des groupes nationalistes. Ce fut l'occasion de découvrir des groupes comme Azin, qui développent, entre autre, des projets de coopératives d'activités entre femmes en milieu rural sur des bases plus ou moins horizontales et autogestionnaires (avec des financements directement issus des bénéfices de droits d'auteurs d'une chanson d'Abba. Vive la disco !).
Plus globalement, même si cette conférence étaient encore dominée, de par les participant-e-s et l'implication dans un certain nombre de rôles moteurs, par des activistes de l'ouest, elle a néanmoins permis des rencontres entre militant-e-s d'europe de l'est, une meilleure compréhension de leur contexte et problématiques, et la mise en place d'une dynamique AMP dans les balkans.
En terme d'action communes, quelques grandes actions fédératrices furent discutées hors des groupes thématiques comme la mobilisation contre le G8 et une journée de soutien aux luttes pachaméricaines (qui s'emploient à radicaliser le mouvement social notamment au Venezuela). De nouvelles formes furent pensées comme l'Estafette, qui se veut une relais d'actions thématiques suivies entre des groupes à travers l'Europe. Malheureusement, on pu noter encore une fois le décalage entre l'énergie créée pendant les conférence, et une continuité dans l'implication bien moindre pour maintenir les structures des réseau et concrétiser les projets hors des gros évènements fédérateurs.
A l'heure actuelle, le convenorship a été repris par Stamp, une groupe de militant-e-s de la zone francophone, issus pour partie du réseau sans-titre (qui s'articule notamment autour de lieux squattés en villle et de projets collectifs ruraux) et qui réfléchissent actuellement entre autre à des formes de conférences décentralisées, d'autoconstructions des structures logistiques, et à une focalisation sur des échanges pratiques et réalisations concrètes lors de la prochaine rencontre euroopéenne annoncée pour l'été 2006. Vous pouvez vous impliquer dans un processus ouvert et passionant de préparation de cette conférence en contactant stamp at poivron point org
1.http://www.nadir.org/nadir/initiativ/agp/en/pgainfos/manifest.htm
2.Tyranny of structurelessness by jo freeman
3.http://www.pgaconference.org/_postconference_/pp_plenarydecision.htm