Synthèse de quelques points de vue et débats sur le processus People's Global Action au niveau mondial

Ce texte a notamment été écrit en vue de faciliter des débats au sein de STAMP sur la dynamique globale de Peoples Global Action/Action Mondiale des Peuples (PGA/AMP dans le reste du texte) et d'amener à ce que nous puissions développer nos propres points de vue et analyses (que nous publierons peut-être par la suite dans le bulletin).

Il s'agit d'un petit état des lieux ainsi que de réflexions stratégiques sur l'actualité mondiale du réseau. Les informations données sont issues de diverses interventions et analyses qui ont couru sur les listes pga aux cours des derniers mois, soit sous les touches d'individus européens fortement impliqués dans le processus global de Peoples Global Action/Action Mondiale des Peuples (PGA/AMP dans le reste du texte) et travaillant souvent en soutien et relais auprès de mouvement d'autres continents, soit par le biais direct de représentant-e-s de mouvements d'autres continents (notamment la CIC et le BKU d'Inde).

Si ces informations peuvent présenter un certain intérêt et des points pertinents, elles sont à prendre avec une certaine distance car elles brossent, souvent à grand traits, des analyses globales parfois peut-être extrêmement réductrices ou caricaturales de réalités incroyablement plus complexes. Elles ne reflètent pas particulièrement mon point de vue, même si la synthèse m'a amené à faire un tri subjectif de ce qui me semblait le plus récurrent ou révélateur. J'ai essayé de rendre cela accessible, mais n'avait l'espace de recontextualiser l'histoire, les actions et les diverses problématiques politiques qui ont parcouru PGA/AMP, alors pour une présentation générale sur PGA/AMP en français qui aide à mieux comprendre, voir : http://pgaconference.org/newsletters/fr_newsletter_ip.html

Petit tour du monde...

En Asie

Le réseau PGA/AMP en Asie semble être celui qui a le moins changé, si ce n'est qu'il s'est renforcé. Le noyau d'organisations paysannes massives (probablement l'une des forces les plus importantes à s'opposer au marché libre et à l'OMC aujourd'hui) qui l'a lancé est plus uni et le réseau s'étend dans d'autres pays.

En Asie, un des mouvements qui a lancé le processus PGA/AMP est le KRRS, un syndicat de plusieurs millions de paysan-n-e-s indien-n-e-s principalement implanté dans l'état du Karnataka. Ils/elles sont connues pour leurs campagnes d'incendies de champs Monsanto, leurs mises à sac de Kentucky Fried Chicken ou encore des manifestations lors desquelles des dizaines de milliers de personnes se retrouvent pour rire ensemble devant les sièges gouvernementaux. Ce sont notamment des représentants de ce syndicat qui ont voyagé en Europe lors de la caravane intercontinentale en 1999 et qui ont participé aux sabotages des laboratoires de riz transgénique de l'INRA à Montpellier.

La dernière conférence régionale a eu lieu en 2003 au Bangladesh à l'invitation de la fédération Krishnok (Une organisations de fermiers du Bangladesh) et de Kisani Shaba (une organisation de femmes du Bangladesh). Elle avait été suivie par 150 activistes de mouvements du sud et du sud-est de l'Asie, comprenant des paysans, des collectifs de femmes, de pauvres, des syndicalistes, des pêcheurs...

Une partie de ces mouvements sont parfois aussi liés à des réseaux internationaux comme “via campesina” mais semblent rechercher avec PGA/AMP une possibilité de développement d'objectifs politiques plus radicaux et une alliance plus large avec des collectifs en dehors du monde paysan.

Une des conclusions de la rencontre de 2003 était de lancer une nouvelle conférence mondiale pour réunir les processus régionaux PGA/AMP afin de revitaliser des formes d'actions globales contre le capitalisme, explorer de nouvelles stratégies, renforcer la coopération, l'échange et la solidarité à un niveau global.

Les convenors choisis lors de la conférence au Bangladesh sont l'All Nepal Peasants Association(ANPA), un mouvement paysan du Nepal - l'Assembly of The Poor, un mouvement de pauvres de Thaïlande - le Bhartiya Kisan Union (BKU) un syndicat de paysan-n-e-s indien-n-e-s.

Présentation de mouvements

BKF: Fédération Krishnok Du Bangladesh

Historique :

C'est un mouvement rural de paysans de grande ampleur qui a été mis en place en 1976. Depuis le début, ils/elles se sont investi-e-s dans des luttes systématiques d'occupation des terres. De 1987 à 1991, le BKF a mené différents types d'actions telles que des grèves de la faim, des sitting, des conférences, des encerclements de bâtiments d'administrations publiques, des manifestations et des blocages de routes. Par ces différents moyens d'agitation, le BKF est arrivé à contraindre les notables du gouvernement local à des temps de négociations pour la distribution de terres aux femmes et hommes sans-terre. Mais suite à ces engagements aucune mesure concrète n'a été prise. Cependant, en 1987, le gouvernement autocratique a mis en place au nom des sans-terre une loi de réforme agraire appelée “Manuel d'administration Terres”. A partir de cette nouvelle loi, le mouvement a pris de l'ampleur. Depuis 87, le BKF a eut le champ libre pour demander la distribution de terres en jachère parmi les sans-terre femmes et hommes comme prévu par la loi. Malgré divers coups de pression du mouvement, le gouvernement ne prêta jamais attention aux demandes des sans-terres. Finalement, à la fin de l'année 1991, des milliers de sans-terres, donnèrent un ultimatum au gouvernement demandant la remise immédiate des terres. Comme le gouvernement refusait de prendre toute initiative, le BKF persuada les sans-terres d'occuper les terrains en jachère au début de l'année 92. Cette fois ci, 11000 hectares et 4 petites îles ont été occupés sur la côte sud! Depuis 92, le mouvement d'occupation des terres continue, et petit à petit, sous la direction du BKF, les personnes “sans-terre” ont encore occupé 35 000 hectares à travers le Bangladesh. La plupart des terres occupées sont situées dans le sud du pays. Toutes ces terres ont été distribuées à plus de 100.000 personnes pauvres qui vivent dans les campagnes. Ces luttes pour le droit des terres ont été un large succès !

====== Les autres luttes :======

Le BKF est aussi impliqué dans d'autres luttes et activités, comme le combat pour des prix équitables sur les produits des agriculteurs. La promotion des fermes « biologiques » (qui est notre méthode traditionnelle), des subventions pour les agriculteurs/euses. Il y a quelques années le BKF a développé l'idée de la souveraineté alimentaire pour les agriculteurs/euses et il a été annoncé la protection des semences traditionnelles. BKF se bat aussi contre l'OMC, la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International et les corporations transnationales.

BKF est également opposé à l'introduction des OGM au Bangladesh. D'autant plus que l'implantation des plantes hybrides pendant la révolution verte avait déjà créé d'importants problèmes. BKF croit en des réformes agraires pouvant résoudre les problèmes existants dans les zones rurales.

BKF défend l'émancipation des femmes et un comité est organisé pour soutenir et coopérer avec les luttes des femmes.

BKF est associés à 7 autres organisations, avec eux/elles, elles forment la coalition « Aaht Sangathan ». En font partie: Le Bangladesh Kishani Sabha, le Bangladeshi Adivasi Samiti, l'union des travailleurs maritimes, le mouvement intellectuel rural, l'association des jeunes révolutionnaires et le Ganachhaya Sanskritic Kendra (associaion culturelle).

Bangladesh Kishani Sabha :

Cette organisation fondée en 1990 représente les femmes paysannes sans-abris, persécutées et exploitées vivant dans des villages.

L'association des femmes sans-terre a commencé à occuper les terres en 1992. C'est une organisation indépendante de femmes qui a été formée comme une association partenaire de la préexistante fédération d'agriculteurs (hommes): Bangladesh Krishok Federation.

Les premières occupations impliquèrent 8000 familles dispatchées sur quatre parcelles entourées d'eau. Différentes actions directes ont été utilisées pour mettre en application la loi (“Manuel d'administration des Terres”) puisque généralement de grands propriétaires s'emparaient de ces îlots. Il y a maintenant 50 000 familles qui ont ainsi gagné l'accès aux terres. Quand les terres furent occupées, les familles s'organisèrent pour se défendre elles-même contre les grands propriétaires et les autorités locales. Un système d'alarme constitué de drapeaux rouges et de sifflets est mis en place ( un drapeau : faire attention/ 2 drapeaux : mange et ensuite vient/ 3 drapeaux : attrape n'importe quoi et vient ).

Le rôle des femmes

Ce sont les femmes qui défendent les terres parce qu'elles sont toujours sur place sur les îlots (pendant que les hommes vont à la pêche, chercher du travail et au marché). De plus les hommes de main des grands propriétaires hésitent à tuer une femme. Ces femmes se défendent avec des couteaux, des branches de genêt et de bambous. Quand les hommes de main s'approchent en bateau, l'alarme est déclenchée pour prévenir les femmes qui essayent de les mettre dehors et les empêchent d'approcher.

La tradition d'auto-défense des femmes est importante. En 1940, juste avant l'indépendance de l'Inde et du Pakistan contre l'oppression des colonisateurs, les paysans demandèrent le droit aux terres. A ce moment là, des milices de femmes se mirent en place, particulièrement dans la phase la plus militante et répressive de la lutte pour demander le droit à des parcelles de terres.

Quelques réflexions stratégiques...

Leurs stratégie combine l'action directe et des moyens légaux. Elles considèrent qu'elles ont le droit de se défendre et de se protéger même avec violence si nécessaire. Mais cette violence est toujours faite avec une « main cool », avec contenance et sans perdre le contrôle.

Il y a eut certains procès où des leaders de ce mouvement étaient accusés de violences. « Mais toutes les mortes étaient des squatteuses ». En août, une attaque sur l'îlot d'Hadi (occupé depuis 1992) eût pour conséquences la mort d'une leader de la Krishnok federation et dix femmes et hommes furent blessés et durent être hospitalisé-e-s.

« Quelles sont les limites de cette stratégie ? Nous ne faisons pas de compromis, c'est un tradition paysanne. Nous allons continuer aussi longtemps que nécessaire car il y a encore énormément de terres en friche au Bangladesh. »

Situation actuelle

Malgré tout la situation d'un grand nombre de paysan-n-e-s continue de se dégrader, chaque année ils/elles subissent de grosses pertes de leurs terrains. Par conséquent, beaucoup deviennent sans-terres jours après jours. Et, ce sont les femmes dans les villages qui sont le plus touchées: elles se retrouvent sans travail, sans rien. N'ayant plus aucune perspectives dans les campagnes, les femmes migrent dans les villes à la recherche d'un travail et se construisent des maisons de fortune ici et là dans les villes. Le plus important planificateur de marginalisation des personnes dans les villages est la Banque Mondiale.

A présent, l'organisation lutte aussi dans la rue autour d'une charte de 14 points de revendications et essaye de mobiliser l'opinion publique sur celles-ci.

Les revendications sont les suivantes: -l'établissement de droits égaux pour tous et toutes dans les différentes sphères de la société. - L'abolition de la relation maître et esclave entre les hommes et les femmes - Le refus du système de dots, de la polygamie, du divorce illégal, de l'exclusion des femmes de la société et de la vie sociale et politique - L'émancipation économique des femmes et l'établissement de l'accès aux terres pour les femmes.

Cette lutte a poussé les femmes hors du foyer et a cassé la division traditionnelle entre les hommes et les femmes au Bangladesh.

NAPM : Alliance Nationale des personnes en Luttes en Inde

NAPM se bat contre le système de castes, de communautarismes et s'oppose au nouveau modèle économique ( Nouvelle politique économique de globalisation, de libéralisation et de privatisation). Leurs démarches vont clairement en faveur d'un développement alternatif où les positions peuvent s'allier pour progresser. Sur quinze régions en Inde, une centaine d'organisations a rejoint ce mouvement. Avec la crise sociale, économique et politique qui a commencé, ils/elles ne peuvent plus sauver les terres, l'eau, la forêt, leur communauté, la souveraineté de la démocratie, chacun-e dans une lutte isolée. NAPM croit que l'équité, l'auto-suffisance et un mode de vie simple sont les valeurs fondamentales que l'économie, la politique du pays et les citoyens devraient suivre afin que les rêves d'une société égalitaire se réalisent. Ce Mouvement national a pris inspirations de Gandhi, de Phule, de Lohia, Jayaparkash Narayan, Karl Marx et Martin Luther King.

En Europe

PGA/AMP est actuellement le réseau qui regroupe certaines des parties les plus “radicales” du mouvement anti-globalisation, en majorité des autonomes et groupes anarchistes. Les autres groupes qui avaient été attiré par le projet de caravane intercontinentale en 1999 se sont plus retrouvés dans les forums sociaux et dans le mouvement plus large qui s'est créé depuis autour d'ATTAC et des diverses autres organisations de gauche qui tentent de cadrer le phénomène anti-alter-globalisation.

Mais ce sont souvent les groupes proches de PGA/AMP qui continuent à mettre en place des formes d'action directe réelles que ce soit localement, dans les contre-sommets ou par le biais d'initiatives internationales du type des campement no border. Néanmoins, la plupart de ces groupes sont petits et la répression policière de cette partie du mouvement et de l'action directe s'est en partie accrue ces dernières années.

On y retrouve aussi des priorités très divergentes. Une partie du réseau se mobilise toujours pour les contre-sommets et d'autres évènements globaux, tandis que d'autres considèrent cette stratégie comme de moins en moins pertinente. Ils/elles se sentent plus concerné-e-s par un enracinement local dans leurs communautés et dans des luttes quotidiennes qui les concernent directement (les luttes sur les questions du logement et de la réappropriation de l'espace, l'auto-défense face au contrôle social, le fait de s'organiser en tant que travailleurs/euses précaires, le soutien aux immigré-e-s, aux prisonnier-e-s, la mise en place d'alternatives concrètes dans les villes ou les campagnes, des offensives face aux destructions environnementales et au développement industriel...).

Une partie de leurs efforts consiste aussi dans le fait de s'organiser de manière plus horizontale, d'attacher par exemple plus d'importance aux questions de genre et aux relations sociales en général.

La plupart de ces groupes, s'ils s'opposent à l'OMC, pensent aussi que leurs luttes doivent se mener à plein d'autres niveaux et il ne voient par exemple généralement plus comme une priorité, le fait de s'organiser contre le sommet de l'OMC à Hong-Kong.

En Amérique du nord

Depuis Seattle, le processus PGA/AMP y semble plus ou moins endormi bien que des réseaux anticapitalistes et anti-autoritaires comme la CLAC au Québec (qui avait notamment organisé la mobilisation contre le sommet des Amériques à Québec) se sentent partie prenante du réseau, tout comme le syndicat des postiers canadiens, des groupes anarchistes aux USA ou des militant-e-s des réseaux indymedia.

Au Moyen-orient et en Afrique

Des liens et actions comunes existaient au commencement de PGA/AMP, par exemple avec les Ogonis du Nigeria. Depuis, le réseau s'est peu développé en Afrique, mais il semble que diverses caravanes et prises de contacts plus récentes aient amené un processus régional au Moyen-orient et dans les pays du Maghreb.

En Amérique centrale et en Amérique du sud

Un certain nombre d'organisations continuent à vouloir s'organiser dans le cadre de PGA/AMP, c'est le cas par exemple de CONFEUNASSC un mouvement écuatorien qui bosse majoritairement avec d'autres organisations paysan-n-e-s. La CONFEUNASSC projetait d'organiser une réunion PGA/AMP régionale en Colombie lors des 1éres négociations du Free Trade Agreement (FTAA) avec les USA du 19 au 23 septembre . Ils cherchent à se mettre en réseau avec des mouvements au Pérou, en Colombie, et au Venezuela sous les principes de PGA.

Ils amèneront aussi des discussions sur PGA/AMP au CLOC (Latin American Peasant Congress) qui aura lieu en octobre et inclut des groupes comme le MST (Mouvement des Sans Terres) du Brésil, Bartolinas Sisa de Bolivie, Coordinadora Ezequiel Zamora du Venezuela, CCP du Pérou, Anuc-R de Colombie...

En Amérique centrale et en Amérique du sud, historiquement, il y a eu plusieurs mouvements de communautés noires impliqués dans PGA :

On retrouve aussi :

Le réseau semble néanmoins plus réduit que par le passé en Amérique centrale et en Amérique du sud. La plupart des grosses organisations qui y jouaient un rôle important au début ne semblent plus intéressées (le MST ou les Cocaleros par exemple). Ceci est probablement dû à la mise en place de réseaux et évènements plus visibles et institutionnels comme les forums sociaux ou Via campesina, mais aussi paradoxalement à la croissance de la résistance contre le néolibéralisme. Au Brésil, en Bolivie, en Ecuateur, au Venezuela, la question de la prise du contrôle de l'Etat est de nouveau possible. Pour beaucoup de grosses organisations, la connection internationale d'organisations “grass-roots” (issues de la base) n'est plus réellement une priorité. Certaines ont recherché des structures plus solidement organisées et financées que PGA ou des soutiens de type étatiques.

Les mouvements impliqués dans PGA/AMP en Amérique centrale et en Amérique du sud n'ont pas toujours vu la pertinence de coordinations et d'actions internationales. Leur intérêt semble beaucoup plus accepté maintenant, mais les priorités politiques en terme de coordination s'articulent clairement autour de la lutte contre le Free Trade of the Americas (FTAA : des accords de libre échange entre l'Amérique du nord et l'Amérique latine) et les accords de marché libre en Amérique centrale (CAFTA).

Il y a par ailleurs pas mal d'autres sortes de groupes proche de PGA/AMP, en particulier au Brésil et en Argentine : un réseau de petites organisations anarchistes, la plupart formées de jeunes urbains, plus proche de celles existentes en Europe ou en Amérique du nord. Elles ont été assez actives pendant les journées mondiales d'actions, même si elles ont été pas mal réprimées ce faisant.

La prochaine conférence mondiale et son report...

La prochaine conférence mondiale devait d'abord se faire à Kathmandu à l'invitation d'ANPA en octobre. Suite au coup d'état du roi en janvier et au vu de l'instabilité grandissante de la situation et de l'emprisonnement de leaders d'ANPA, l'organisation de la conférence a été reprise en charge par l'ICC (Comité de coordination de différents mouvements paysans indiens).

Ceux-ci souhaitaient que la conférence se fasse à Haridwar près de la frontière avec le Népal, avec une volonté de garder des liens et de faire des rencontres avec les mouvements “grassroots” qui agitent ce pays plongé depuis quelques années dans une sorte de situation pré-révolutionnaires (notamment du fait de la guerilla maoïste mais aussi des nombreux autres mouvements sociaux).

L'ICC souhaitait aussi notamment faire participer les conférencier-e-s qui le souhaitaient à une action confrontationelle de masse sur le port de Mumbai contre les importations et le marché libre avant la conférence.

Un appel avait été lancé par le convenor indien, suite au coup d'état au Népal. (voir appel et explication sur la conférence sur http://www.nadir.org/nadir/initiativ/agp/conference2005/index.htm) pour préciser les objectifs politiques de la conférence. Outre un certain accent mis sur le sommet à venir de l'OMC on y trouvait divers points d'analyse politique plutôt intéressants, au moins dans les intentions :

Des contributions extérieures à la préparation de la conférence ont notamment fait part de volontés de travail sur la thématique des énergies renouvelables, ainsi que sur la question du fondamentalisme religieux.

A l'heure actuelle, la conférence est reportée suite à des débats complexes, notamment du fait du manque de fonds et d'investissement logistique extérieurs à l'ICC. Il semblait par ailleurs que la focalisation donnée tout d'abord dans le contenu à la lutte contre l'OMC ne crée pas un intérêt tel sur les autres continents et qu'un enjeu plus global de refonte de PGA/AMP soit attendu. Diverses organisations ont aussi exprimé la volonté de laisser un peu plus de temps à des processus régionaux réémergents pour en préparer le contenu et permettre une participation.

L'idée est notamment à l'heure actuelle de mettre ce délai à profit pour organiser des tournées de rencontres sud-sud ou sud-nord avec des personnes qui pourraient analyser et envoyer des rapports réguliers sur les réalités locales, actions, et alternatives concrètes en lien avec les objectifs de la conférence et dynamiser ainsi des débats de préparation dans divers coins du monde.

En outre, les zapatistes qui ont inspiré la naissance de PGA/AMP et avec qui les liens ont été plus ou moins distants au cours des dernières années, ont proposé cet été dans la 6e déclaration de la jungle lacandone, une nouvelle grande rencontre des mouvements de résistance (encuentro) pour l'hiver prochain. Les dates, conditions et modes d'organisation ne semblent pas encore très précis. Mais diverses personnes impliquées dans PGA semblent vouloir faire quelque chose là-dedans et y créer un espace PGA/AMP, coordonner les deux processus de préparation ou vont même jusqu'à se demander si les deux évènements ne pourraient pas fusionner. Reste à voir avec quel type de réseaux et dans quel état d'esprit les zapatistes envisagent cette rencontre.

== Autour de cette conférence... vers une remise en question du rôle et des objectifs politiques de PGA/AMP ==

La création de PGA/AMP en 1998 a permis les contre-sommets, les journées mondiales d'actions et contribué plus généralement à une forte croissance et visibilisation de la résistance mondiale anticapitaliste. (voir aussi les sites http://www.nadir.org/nadir/initiativ/agp/ - http://www.all4all.org/ - et http://www.pgaconference.org/index.html)

Beaucoup de personnes semblent penser que nous sommes à l'heure actuelle dans une phase de fragilisation du réseau et de requestionnement sur son sens ainsi que sur la direction à donner à nos luttes à un niveau global. Voici quelques idées issues de messages d'analyses envoyés sur les listes.

Le fait qu'en Asie, un des objectifs principaux de la conférence était d'organiser une journée mondiale d'action contre le prochain sommet de l'OMC à Tokyo en décembre prochain a fait débat par exemple. Cette volonté renvoie aux origines de PGA/AMP et au fait que ce réseau se soit d'abord créé pour s'attaquer au sommet de l'OMC à Genève en 1998.

A l'époque, c'était le seul réseau global radical appelant à des actions et par conséquent, beaucoup d'organisations voulaient s'y retrouver, même si cela passait par le fait de se donner des priorités et cibles communes comme l'OMC. Depuis et dans d'autres endroits dans le monde, les réseaux et groupes affiliés à PGA/AMP se sont tournés vers des objectifs politiques parfois complètement différents. Le mouvement s'est multiplié et diversifié. PGA/AMP n'est plus la seule entité appelant à des journées globales d'action et à mettre en réseau des mouvements. Il y a maintenant tellement d'appels, de forums et de réseaux que le danger est plus à l'heure actuel de s'enliser sous la quantité d'informations et d'initiatives.

Outre l'intérêt particulier de certains processus régionaux et malgré une certaine désorganisation et dispersion du réseau PGA/AMP global, il demeure le seul réseau de ce type, radical et anticapitaliste proposant des actions et rencontres à un niveau global. En tant que tel c'est un outil précieux qu'il serait malheureux de laisser partir en pièces (d'autant plus que beaucoup d'organisations semblent ressentir les limites de la dynamique des forums sociaux).

(1) les forums sociaux sont de grandes rencontres citoyennes alter-mondialistes qui ont commencé sous ce titre autour de l'année 2000 à Porto Allegre, en tant que contre-sommet parallèle dans le temps mais éloigné dans l'espace au forum de Davos. Ce type de rencontres se sont perpétués et développés avec des forums sociaux locaux et continentaux. Ces rencontres se veulent extrêmement large, fédératrices et médiatisées, ouvertes aux partis politiques et représentants de gouvernements (qui souvent financent ces rencontres). Elles noient souvent la critique anticapitaliste dans un cadre et un esprit de cogestion social-démocrate.

Agir de nouveau contre l'OMC ?

L'OMC a tenu sa 6e conférence ministérielle à Honk Kong du 13 au 18 décembre 2005. Il s'agissait d'une réunion cruciale, puisque elle visait à faire aboutir le tour de négociations de Doha (appelé aussi l'Agenda de Développement de Doha). (voir encadré sur l'OMC et la “bataille de Honk Kong”)

La bataille de Hong Kong :

La réunion de l'OMC à Hong Kong a vraiment bien failli cette fois être envahie par les manifestant-e-s. Environ une dizaine de milliers de manifestant-e-s se sont retrouvées durant tout la durée du sommet pour mener des actions et faire de l'information sur l'OMC. L'accueil des habitant-e-s de Hong Kong a apparemment été très chaleureux. Environ 10 000 personnes, majoritairement asiatiques étaient présentes avec des mouvements de migrants, de paysan-n-es, de pêcheur-euse-s, des organisations féministes, des jeunes de Hong Kong... Un des plus gros contingents de manifestant-e-s présents étaient les fermiers coréens, beaucoup de petits paysans enragés et ayant parfois mis toutes leurs économies pour venir à Hong Kong. Ceux-ci sont en effet dans une situation désespérée où l'ouverture du marché du riz et la levée sur les tarifs en Corée du sud signifierait la disparition d'une bonne partie d'entre eux, les rendant totalement dépendants des multinationales de l'agrobusiness. Les militant-e-s coréen-n-e-s représentent un des mouvements de la planète les plus formées au combat de rue à travers des luttes sociales féroces. Des manifestations ont eu lieu pendant toute la durée du sommet. Le 17 décembre, face à la police de Hong Kong qui n'avait pas connu de telles manifestations depuis des décennies, divers groupes très organisés ont fait preuve d'une énorme coordination tactique (avec une capacité assez particulière de s'arrêter au milieu d'un moment de confrontation pour se regrouper en cercle, manger et discuter tranquillement de la stratégie à suivre avant de reprendre). Ils ont finalement réussi à enfoncer les uns après les autres tous les cordons policiers à l'aide de barrières métalliques et de bâtons en bambou, et ce malgré un usage massif des gaz au poivre et des canons à eau... jusqu'à ce que deux mille personnes se retrouvent sur une petite place jouxtant le centre de convention , que la police complètement dépassée a dû couvrir de gaz lacrymogènes pour empêcher les manifestant-e-s de se ruer au sein de la réunion. Les délégué-e-s ont du rester enfermé-e-s dans le centre assiégé et l'espace d'un soir au moins la majeure partie du centre commercial de Hong Kong s'est retrouvé bloquée. Durant les derniers jours du sommet, plus d'un milliers de personnes auraient été arrêtées. D'après mes récits de Pranjal Tiwari and David Solnit. Texte complet en anglais sur http://www.indymedia.org.uk/en/2005/12/330309.html

Si le réseau PGA/AMP Asie avait d'abord pris l'initiative d'organiser une nouvelle conférence globale avec pour objectif majeur de s'allier contre l'OMC, c'est parce que pour les paysans de la planète (c'est à dire encore la majeure partie de l'humanité), il s'agit réellement d'une question de survie. Bien que ce ne soit pas toujours visibilisé et qu'il est dur d'estimer ce qui est dû aux actions menées, on peut considérer que le “mouvement anticapitaliste” a déjà eu un impact important face aux institutions internationales. L'OMC et les autres accords sur le marché libre, comme l'ALCA, sont bloqués ou se développent de manière beaucoup plus lente que prévue. En fait les participants à l'OMC sont tellement effrayés par les mobilisations lors des sommets qu'ils essaient de prendre toutes les décisions possibles avant à Genève. L'opposition (qui inclut aussi des acteurs plus institutionnels) s'est graduellement radicalisée. Elle est partie d'un discours sur l'accès aux marchés pour les paysans du sud, puis sur la souveraineté alimentaire et le fait de sortir l'agriculture de l'OMC pour en arriver au fait de questionner l'OMC et le marché libre en tant que tel.

Cette guerre n'est pas perdue et l'on ne devrait sûrement pas abandonner ce terrain. C'est donc une première bonne raison pour cette conférence. Il y a aujourd'hui de nombreux autres appels à des actions globales de toute sorte, mais mettre de l'énergie sur le fait de frapper l'OMC de nouveau semble réellement stratégique pour certain-e-s, notamment les mouvements en Asie.

Et la révolution ?

Mais il faut sans doute continuer à voir plus loin et parvenir à regagner du terrain du coté du discours et des idées qui structurent nos luttes de part et d'autres du globe. Quand PGA/AMP a commencé à proposer des journées mondiales d'actions ou s'est déclaré anticapitaliste en 1998, cela allait de l'avant par rapport aux termes acceptés à l'époque et cela a galvanisé une énergie énorme. Mais peut-être serait-il temps de faire de nouveau un pas en avant pour discuter plus largement des formes et stratégies nécessaires à une “transformation radicale de la société”.

Les divers cauchemars totalitaires du 20e siècle et l'utilisation du spectre du “terrorisme” par l'empire rendent aujourd'hui difficile l'utilisation du terme “révolution”. Pourtant une rupture forte avec les fondements de la société actuelle semble aussi le seul espoir pour une bonne partie du “mouvement”. L'idée de “révolution” devrait être réappropriée et redéfinie, pas comme un processus pré- déterminé, ou un point d'arrivée, mais plus comme un ensemble de valeurs qui donne une direction, avec une diversité de processus locaux parallèles se nourrissant les uns des autres à travers des réseaux internationaux.

Échanges d'autonomie... ?

Une autre idée clé commune aux mouvements s'inscrivant dans l'AMP/PGA est l'”autonomie”. Pour les indigènes, les paysan-n-es, les squatteur-euse-s et d'autres, elle passe, de manière cruciale, par le contrôle et l'organisation d'espaces et de territoires. Dans d'autres luttes comme celles des migrant-e-s, des féministes ou des travailleurs précaires, s'autonomiser s'articule notamment autour de la construction et la défense d'une communauté à travers le soutien mutuel et la solidarité. Il est parfois difficile de trouver des moyens d'échanges concrets et des solidarités entre des formes de luttes aussi diverses. Pourtant nous avons tous/tes beaucoup d'inspiration à puiser dans la manière dont de nombreux mouvements mettent déjà en place, à divers niveaux, des pratiques et productions agricoles, énergétiques, médiatiques, médicales qui s'autonomisent du système marchand. Un des rôles de PGA/AMP devrait être de plus en plus de faire connaître et d'échanger ces diverses pratiques.

Le pouvoir de la base et ses limites...

La question de la prise du pouvoir n'est pas seulement une question abstraite et théorique pour certains mouvements inscrits dans PGA/AMP. En Amérique du sud et centrale, les mouvements d'Ecuateur, de Bolivie, d'Argentine et du Venezuela ont tous foutus à la porte (ou parfois remis en place) leurs gouvernements, quelquefois plusieurs fois, durant ces dernières années. Certains ont rejeté clairement la possibilité de prise de pouvoir, d'autres se sont figurés avec plus ou mois de succès qu'il pouvait améliorer la situation et changer les choses en s'y immisçant. Ils ont tous des expériences intéressantes à partager sur les formes de pouvoir issues de la base et leurs relations au pouvoir d'état. Ces expériences pourraient nous apporter aussi beaucoup ici, où les mouvements sont moins forts, en nous donnant du recul sur des questionnements néanmoins nécessaires quant à notre rapport au pouvoir d'état, au partis, au réformes, et à la défense de ce qui a été gagné dans les luttes passées.

De nouvelles formes d'actions

Comment ces questionnements et bien d'autres peuvent-ils mener de nouveau à des actions “fédératrices” spécifiques à la forme “réseau” ? Doit-on considérer que les outils de mise en réseau et d'informations (conférences, listes, caravanes) développés par le réseau amènent de fait des liens, échanges de savoirs, actions et campagnes communes sans qu'ils soient nécessaire de rechercher et de décider de grandes actions globales sous une même étiquette “PGA/AMP”? Comment faire un choix sur des campagnes qui seraient “prioritaires”? Peut-on imaginer des journées mondiales d'action pour le “changement révolutionnaire” ? Peut-on inventer d'autres formes d'actions communes, des priorités stratégiques et des campagnes coordonnées qui réunissent les énergies en dehors des journées d'actions globales ? (la conférence européenne de Belgrade avait imaginé une forme d'action “estafette” ou des groupes se relaieraient à travers l'europe pour des actions successives coordonnées sur un même thème et se rencontreraient par ce biais)

Identités de PGA/AMP...

Les principes de PGA/AMP (voir http://pgaconference.org/_internet/hallmarks.html) exigent l'autonomie et la décentralisation, mais en tant que caractéristiques du réseau et pas forcément des organisations qui le composent. Certaines des plus importantes d'entre elles (comme le KRRS, syndicat indien qui a été une des forces majeures amenant à la création de PGA/AMP) ont toujours été des organisations avec des hiérarchies et des leaders. Il s'agit à la fois sans doute d'options politiques parfois divergentes, de déterminismes historiques et culturels, mais aussi de contraintes matérielles et objectives différentes concernant des mouvements incluant des centaines de milliers, voire millions de personnes souvent dans des rapports de force extrêmement durs face aux pouvoirs en place ou avec par exemple des différences énormes d'accès aux outils de communication chez les personnes qui les composent.

Les collectif urbains d'Amérique latine impliqués dans PGA/AMP partagent avec de nombreux groupes européens l'idée que les principes de PGA/AMP et ses modes d'opération (la décentralisation, l'autonomie et l'absence de hiérarchie) ne devraient pas seulement s'appliquer à la manière dont les organisations relationnent entres elles dans PGA/AMP mais aussi, au moins de manière tendancielle, au fonctionnement interne des organisations elles-mêmes. En conséquence ils ont par exemple pu être par le passé extrêmement déconcertés d'apprendre que des organisations hiérarchisées (comme le Mouvement des Sans Terres) avaient aussi été impliqué dans PGA/AMP. Ceci est un sujet important et délicat qui était déjà apparu lors de la caravane intercontinentale en 1999. Par le passé, des informations de ce type sur des mouvement du sud ont pu être omis dans la présentation que faisaient de ces organisations des militant-e-s du nord. Ceci a parfois créé des décalages brutaux entre les attentes et l'interaction réelle avec des représentant-e-s de ces mouvements.

Pour donner un exemple récent, nous nous sommes pas mal questionné-e-s après avoir découvert qu'ANPA, le mouvement paysan népalais fort de 1,5 millions de paysan-ne-s qui devait accueillir la prochaine conférence mondiale à Kathmandu, avait pour leader une personne ayant été ministre du gouvernement népalais et secrétaire général d'un des partis communistes népalais. Pour autant il peut s'agir de situations dures a juger promptement d'ici selon les critères que nous appliquons à notre contexte politique. ANPA est aussi un mouvement paysan qui porte des discours d'opposition radicales contre des piliers de la société népalaise comme le système des caste ou la domination patriarcale. ANPA s'est par ailleurs lancé dans les années passées dans des actions et initiatives anticapitalistes conséquentes contre les organisations de commerce international et la monarchie népalaise. Comme pour beaucoup d'autres mouvements du sud, une différence avec notre réalité militante est que les luttes d'ANPA ont aussi des enjeux de vie ou de mort directs sur ces militant-e-s (nombre de ses membres ont d'ailleurs été immédiatement emprisonné-e-s lors du coup d'état du roi en janvier dernier).

Ce type de situation nous amène à nous questionner sur le relativisme culturel dont nous pouvons faire part sur des questions politiques d'autonomie vis à vis de l'état ou d'organisation horizontale qui sont un guide majeur de nos actions dans le contexte d'europe de l'ouest (au moins pour une bonne partie des collectifs anti-autoritaires impliqués dans PGA/AMP). La manière dont sont traités ces principes politiques et leurs enjeux locaux se révèle souvent difficile à appréhender et juger quand il s'agit de réalités lointaines et souvent par trop méconnues, dans des contextes où la violence de l'état et des compagnies, ainsi que les dangers de morts qu'encourent les militant-e-s peuvent être extrêmement différents d'ici.

On ne doit pourtant surtout pas retomber dans les erreurs des décennies passées et garder ces contradictions sous silence. Une base demandée à l'avenir lors de la réunion PGA/AMP de l'hiver 2005 à Linz pour aborder ce genre de sujets est donc d'abord l'accès à une information claire et honnête sur ces réalités, aussi problématique soient-elles.

Ce type de différences entre les “mouvements” avait été semble-t-il minimisé plus facilement quand le “mouvement” était plus jeune et plus petit. Il est évident qu'un des intérêts primordiaux d'un réseau tel que PGA/AMP est de réunir, dans un débat productif, des conceptions différentes de la lutte radicale. Restreindre ce réseau à des organisations”anarchistes” le couperait de liens souvent fructueux avec une bonne partie des populations en lutte contre le capitalisme sur cette planète . Quels que soit les problèmes et contradictions internes dans lesquelles nous tombions (et il y aurait aussi beaucoup à dire à ce sujet sur les collectifs radicaux du nord), il est nécessaire que la dynamique PGA/AMP porte en son coeur une défiance vis à vis de l'état, des ONGs et autres organisations qui prétendent parler au noms des gens et leur amener des solutions du dessus. Certain-e-s font à ce titre le bilan peut-être optimiste que les organisations qui n'avaient pas de problèmes avec des fonctionnement autoritaires n'ont généralement jamais vraiment été intéressées par PGA/AMP ou l'ont rapidement quitté. On peut noter par ailleurs, les ateliers sur les questions de genre et de masculinité (qui amènent souvent des réflexions plus larges sur les questions de pouvoir et de dominations internes aux groupes) ont été un des éléments importants du processus PGA/AMP en Amérique du sud/centrale et en Asie, au sein de mouvements de masse fortement hiérarchisés par ailleurs. Reste à savoir comment aborder ce débat lors d'une conférence mondiale pour qu'ils ne créent pas que des frictions et des problèmes, ou qu'ils ne soient pas tacitement mis de coté....

Au-delà, l'AMP est traversée par des tensions fondamentales quant à son identité politique et à la perception d'un processus révolutionnaire. Face à l'homogénéité rigide de certaines des grandes utopies révolutionnaires et “internationales” du siècle passé, ce réseau mondial fortement inspiré à ses débuts par le discours zapatiste s'est constitué autour de l'idée qu'il n'y a pas Une voie unique pour le changement social, Une éthique et Une grille de lecture prioritaire sur les formes de domination, mais des modes de vies, des tactiques et des options de luttes différentes suivant les contextes et les personnes concernées. Le projet s'articulait plus autour de la recherche de points de convergences, d'alliance et de complémentarité à partir de quelques grands principes (les hallmarks de PGA/AMP) qu'autour de la constitution précise d'un projet politique commun et unificateur. Certain-e-s critiquent à ce niveau un flou sur le contenu et une trop grande ouverture de PGA/AMP qui refléterait un “post-modernisme” fourre-tout et neutralisant. La volonté de respect de la diversité et d'auto-détermination des luttes par les personnes concernées aboutirait ici à un relativisme universel qui nuirait à la nécessité de se trouver des objectifs et une stratégie commune. La dynamique particulière du réseau PGA/AMP est le fruit d'une tension constante entre ces points de vue. Par exemple en Europe, certains activistes notamment de pays de l'est, mais pas seulement, pour qui la grille de lecture classiste et l'idée de la constitution d'un mouvement de masse révolutionnaire demeure centrale, ont pu formulé diverses critiques vis à vis d'un “activisme de l'ouest” considéré comme trop focalisé sur la mise en place d'une contre-culture “alternative” orientée autour du “mode de vie”, de “revendications identitaires” et du “bien-être individuel” au dépend d'une stratégie offensive vis à vis de l'état et du capitalisme. D'un autre coté la focalisation autour des contre-sommets a par exemple été critiquée par certaines composantes de PGA/AMP notamment quant à la priorité tactique qu'elle donnait à des actions de masse et à la recherche du nombre autour du plus petit dénominateur commun par rapport à des initiatives à une échelle plus locale qui permettent une emprise réelle des divers participant-e-s sur les actions menées et leur sens.

Quelques questionnements parmi d'autres sur le fonctionnement du processus amp global...

Les structures de PGA/AMP (que ce soit les “convenors”, les groupe des soutien, les outils de communication...) n'ont jamais vraiment fonctionné tel qu'ils étaient supposés le faire. Est-ce qu'un réseau sans secrétariat permanent ou financement peut réellement se faire entendre dans la durée face à des forums ultra-subventionnés ou des réseaux d'ONG, pour ne pas parler de l'état ou de l'OMC.

Dans un premier temps, le suivi du processus mondial a été fortement dépendant d'un groupe d'activistes internationaux principalement d'Europe de l'ouest qui se sont démenés pour dynamiser globalement PGA/AMP, les liens entre les groupes et faire une partie du travail logistique nécessaire à la concrétisation des initiatives.

A la conférence mondiale PGA/AMP de Cochabamba en 2001 , l'existence de ce groupe a été formalisée. Puis ce groupe a été critiqué et s'est auto-critiqué sur certains de ses modes de fonctionnement parfois opaques, sur la hiérarchie informelle que son existence pouvait induire, sur la dépendance du reste du réseau à son travail, sur l’aspect colonial de ces fonctionnements. »

Le groupe de soutien a alors décidé d'arrêter son travail. Depuis, divers individu-e-s au sein du réseau, et les groupes convenors sur les divers continents ont pu essayer encore timidement pour l'instant de reprendre ces tâches de coordination en main.

On peut constater plus généralement que de nombreuses personnes tendent à utiliser les réseaux (à les consommer d'une certaine manière) sans beaucoup contribuer au maintien de leurs structures minimales (il y avait 700 personnes à la conférence européenne et 20 l'hiver d'après pour organiser les structures du réseau). La décentralisation propre à PGA/AMP a pu amener à une dilution des responsabilités et à ce que des initiatives prises lors des conférence ne soient pas vraiment suivies ou seulement prises en charge par des groupes d'individus indécemment réduits. Si nous souhaitons réellement que l'auto-organisation dépasse les initiatives locales et que nous ne pensons pas pouvoir changer notre réalité locale tou-te-s seul-e-s, une implication plus grande de tous et toutes dans les structures de ces réseaux est nécessaire. Par ailleurs, dans PGA/AMP en Europe il a pu sembler qu'un certain nombre de “militant-e-s visibles” mettaient parfois ces dernières années plus d'énergie à apparaître dans les forums sociaux, même si c'était parfois pour y créer des espaces off, qu'à continuer à mettre en place des initiatives autonomes.

Des cultures politiques différentes ont de plus causé des difficultés réelles dans le fonctionnement des deux dernières conférences globales de PGA/AMP. A Cochabamba par exemple, les organisateur-euse-s n'ont pas vraiment pris en charge l'organisation des discussions de la conférence qui a alors été assumée par des personnes d'Amérique du nord et des personnes du “groupe de soutien”. Les modes de réunions typiques de PGA/AMP en europe de l'ouest (avec signes, modérations, recherche rapide de consensus) ont irrité bon nombre de personnes d'Amérique latine qui avaient d'autre manière de mener leurs discussion et se sentaient pris dans des fonctionnements qui ne leur appartenaient pas. Échanger sur nos diverses cultures de réunion et de prise de décisions et imaginer comment celles-ci peuvent se concilier devrait être un objectif majeur pour un réseau mondial qui se veut dépasser un certain colonialisme culturel fortement présent dans la plupart des réseaux politiques mis en place par les ONG.

En terme d'organisation interne et de communication sur les listes, on note aussi des modes de communication très différents entre les activistes occidentaux qui ont tendance à faire fréquemment de grandes proses individuelles et théoriques et les communications des mouvements du sud qui ont tendance à être plus collectives, plus rares et issues de processus de discussion plus lents.

On peut aussi se demander si ces conférences (qui reprennent une sorte de tradition parlementaire et managériale) sont les seuls et meilleurs moyens de s'organiser. Il est probable que nous ayons besoin de plus de temps et de contacts avec la réalité. Des caravanes plus lentes pourraient sûrement à ce titre être aussi efficaces et complémentaires.

Par ailleurs ouvrir des discussions importantes dans le temps limité des conférences n'est pas très utiles si elles ne se poursuivent pas après. Or PGA ne dispose plus de journal régulier web ou papier qui permette de continuer à publier ces débats et à les rendre accessibles en dehors des listes mails.

La rencontre d'Haridwar :

Du 8 au 11 octobre et suite au report de la 4e conférence mondiale de PGA/AMP, une réunion de consultation sur le processus mondial a eu lieu à Haridwar en Inde avec la participation d'une cinquantaine de personnes, principalement d'Asie et d'Europe. Cette réunion a permis aux européen-n-e-s présentes de découvrir la force du processus PGA/AMP en Asie. Diverses décisions ont été prises afin de revitaliser le processus mondial : recréer un bulletin papier, préparer un “kit PGA” avec des informations sur l'histoire du réseau, ainsi qu'un film et la diffusion de culture DIY, la mise en place de caravanes à rythme lent d'échanges entre des représentant-e-s de divers mouvements (principalement entre des mouvements du sud, mais aussi dans l'idée que des personnes du sud puissent voyager sur des périodes plus longues en Europe. Les indien-ne-s y ont fait part des actions locales coordonnées qu'illes planifiaient pour la durée du sommet de l'OMC, ainsi que d'une action à grande échelle de bouclage de l'ambassade américaine afin de protester contre les diverses guerres menées par les USA et contre la guerre globale contre les pauvres.

Des représentant-e-s de mouvements du Bangladesh, du Nepal et de Thaïlande y ont annoncé d'autres projets d'actions contre l'OMC. L'appel pour des initiatives à venir contre le G8 en juillet 2006, ainsi que pour une journée d'action de solidarité avec les prisonnier-e-s politiques et les prisonnier-e-s de guerre le 3 décembre y ont aussi été discutés. Deux groupes de travail ont été mis en place, l'un concernant la communication et la création du kit d'information PGA/AMP, l'autre s'attachant à l'organisation de voyages de représentant-e-s de divers mouvements (en particulier des femmes et des jeunes) qui pourraient rester assez longtemps dans des collectifs d'autres continents afin de comprendre leurs modes de luttes et réalités de vies et envoyer des rapports réguliers sur leurs rencontres, notamment en vue de faciliter les échanges lors de la prochaine conférence mondiale. L'idée de ces caravanes lentes est notamment de permettre de construire de nouveaux contacts, de la confiance et des amitiés au sein du réseau. Une liste de thématiques politiques sur lesquelles travailler d'ici la conférence mondiale a aussi été établie, incluant :

Alors voilà, avec tous les doutes et critiques étalées en vrac et de manière bien incomplète ici, pleins de gens chouettes y croient toujours, changent un peu le monde par ce biais et essaie de construire un avenir à ce dinosaure encore presque neuf. Alors moi des fois j'y crois un peu aussi... à ce que cela a déjà permis et à ce que l'on en fera peut-être.

Idées et informations rassemblées tant bien que mal depuis la partie nord du monde avec ses flocons, son béton, ses têtes en bouillottes et ses petits bouts de doigts gelés

/ tanneries / déc 05

STAMP: Synthese (dernière édition le 2008-12-19 18:59:45 par anonyme)