Accès à la terre

Le débat s'est déroulé en 2 étapes: d'abord le mercredi 23 à Toulouse où des personnes impliquées sont venues entre autres nous présenter les GFA (groupement foncier agricole) et où des questions de fond ont été abordées, puis le dimanche 27 à Baluet, où nous avons pu pousser un peu plus loin le débat sur la terre et discuter de comment vivre ensemble dans les collectifs et désamorcer les rapports de pouvoir.

Voici, après un résumé succint, une retranscription des débats aussi fidèle que possible, selon les notes qui ont été prises, mais c'était pas facile donc les mots ne sont pas précisément ceux qui ont été employés. Le tout étant ouvert à être corrigé (par exemple en envoyant une correction à automu@no-log.org)

Résumé

A Toulouse nous avons occupé un terrain pendant une semaine, tentant d'interagir avec un quartier menacé par le développement urbain spéculatif, pratiquant des ateliers de construction autonomisante, ouvrant un jardin... Puis nous sommes allé-e-s à Baluet, un lieu occupé par un collectif tentant de s'autonomiser à la campagne, confronté aux problèmes liés à la propriété foncière. Dans ces deux lieux nous avons ouvert des débats sur les questions d'accès à la terre.

Comment renforcer les nombreuses tentatives faites pour s'approprier de la terre, de manière collective en s'opposant à la spéculation foncière, au capitalisme et au patriarcat, sachant que de nombreux groupes ont éclaté, que la propriété privée revient vite sur le devant de la scène?

Les difficultés sont grandes: Sous le capitalisme, on est passé d'une paysannerie auto-suffisante qui n'échangeait que ses surplus, à des entreprises agricoles et des paysan-ne-s qui achètent au supermarché et qui ont essentiellement le même mode de vie qu'en ville. La spéculation foncière augmente, dans certaines régions les résidences secondaires pour friqué-é-s du nord accaparent le marché, "les bons plans" pour accéder à la terre sont parfois inexistants.

Quelles alternatives permettront réellement de remplir les besoins de base (nourriture, habitat...) à un niveau collectif voire global? Cette question va devenir cruciale avec le pic du pétrole. Comment conquérir de l'autonomie dans les métropoles invivables créées par le capitalisme? Des exemples cubains et irlandais suggèrent que les jardins urbains communautaires sont une piste importante: créer des poches d'autonomie alimentaire permet de rendre les villes partiellement autosuffisantes, créer des liens communautaires, de faire un premier pas dans des problématiques globales pour de nombreuses personnes.

A la campagne, plus en plus de collectifs se développent et buttent contre des problèmes constants, notamment le pouvoir de certaines institutions. Ces collectifs pratiquant différentes luttes et compromis pour pérenniser les lieux. Des occupations aboutissent souvent à l'achat d'une partie des terres et des bâtiments (comme à Baluet), pour lesquels différents outils légaux sont utilisés.

Quels compromis faire quand on met en place des outils techniques pour empêcher la spéculation ? Des collectifs désirant aquérir de la terre collectivement se forment en GFA (groupement foncier agricole) ou en SCI (société civile immobilière) pour acheter du terrain qui est loué à un-e ou plusieurs paysan-ne-s. Le GFA est à la base une structure capitaliste à but spéculatif, que lesdits collectifs, ayant besoin d'un statut, essaient de détourner en fonctionnant de manière égalitaire mais sur le long terme (héritages...) beaucoup redeviennent spéculatifs. Apparement la SCI permet de monter des structures associatives dont on peut définir la forme plus librement.

Monter cette forme de projet est, selon les personnes présentes, un compromis tenant compte du fait qu'une révolution agraire n'est pas pour demain, tout en essayant d'engager des dynamiques collectives différant de la propriété privée, pratiquer l'agriculture tout en sortant des terres de la spéculation. Toutefois, ça ne suffira pas à enrayer la spéculation: N'est-on pas limité avec cette approche à des "bons plans" dans les interstices du système? D'où la question de la construction de rapports de force.

Différentes questions se posent: Comment développer des réseaux de solidarité, que ce soit "ville-campagne" ou "campagne-campagne"? De tels réseaux existent par endroits, notamment entre squats urbains (dont sont issu-e-s de nombreux-ses "néo-ruraux") et communautés rurales, donnant lieu à échanges et entraide. Entre lieux alternatifs ruraux, dont certains existent depuis plus d'une génération, il faut arriver à mieux transmettre les expériences bien que cela se fasse déjà au travers des rencontres, chantiers, médias indépendants...

Il est important de savoir que les relations développées dans les villages environnants peuvent aussi s'avérer cruciales lors de menaces d'expulsion ou de destruction. Des relations peuvent aussi se nouer à travers les AMAP (association pour le maintien d'une agriculture de proximité) ou "paniers de légumes", pour autant que soient possible des échanges ou du troc, sans quoi les prix opèrent une sélection sociale qui coupent les gens précaires de ces initiatives.

L'achat de terre est inimaginable pour la plupart des précaires urbains. Comment dépasser les limites des petits groupes affinitaires? Comment faire des ponts avec d'autres mondes dans lesquels les codes et les normes sont différents? Ca demande beaucoup de travail de déconstruction de nos normes, et aussi beaucoup de persévérance dans l'approche d'autres milieux. Comment inviter et accueillir des personnes qui débarquent dans des lieux dont les manières de fonctionner ne leur sont pas familières? Un repas ou des travaux ensemble pour se connaitre, des discussions pour mieux cerner les attentes et formuler les projets... Tout un travail qui demande beaucoup d'attention, qu'on est souvent pas prêt-e-s à donner.

De fait on se trouve actuellement dans une situation paradoxale: d'un côté beaucoup de personnes cherchent des lieux, d'autre part de nombreux lieux manquent de monde, voire ont été désertés. D'où l'importance de pérenniser le lieu au niveau foncier, mais aussi le collectif et l'envie de vivre ensemble.

Comment démanteler les rapports de pouvoir en interne? La constitution d'un rapport de force avec les institutions étatiques ne semble en effet possible qu'en consolidant nos collectifs, en déconstruisant les relations issues du patriarcat qui recréent de l'oppression entre nous et ont fait éclater tant de groupes. Divers outils existent: partage des tâches, assemblées régulières, groupes d'appropriation de la parole, pour visibiliser nos ressentis et déconstruire nos mécanismes, jeux de rôle, médiation externe, échanges inter-générationnels...

Réfléchir aussi à quelle part de notre temps on veut consacrer à la survie, quelle part pour l'action politique, quelle part pour les relations humaines, quelle part pour le jeu et la créativité... Pour ne pas tomber dans une dynamique de travail séparé de la vie! Pour autant que les contraintes du système nous laissent le choix...

Finalement on ne peut pas séparer toutes ces questions du contexte global du capitalisme, de sa mondialisation, de la dépossession que nous connaissons tou-te-s. Dans les luttes pour l'accès à la terre, on se confronte à de nombreuses institutions, donc la pression qu'on peut exercer sur celles-ci par nos actions est aussi nécessaire. Ce qui nous ramène à l'intérêt de structures comme l'AMP pour aider à coordonner les luttes.

Pour continuer à avancer sur toutes ces questions que nous avons défrichées, et aider à organiser la solidarité entre les lieux, nous avons établi une liste de contacts (principalement dans le sud-ouest mais pas seulement grâce à l'AMP), dont on espère qu'elle sera utile, dépendant des initiatives de chacun-e.

Débat à Toulouse

Ce débat a été enregistré, mais l'enregistrement n'est pas encore accessible. Voici donc une tentative de résumé synthétique.

Plusieur-e-s intervenant-e-s sont impliqué-e-s dans des GFA (groupement foncier agricole), dont le principe est d'acheter des terres collectivement, en indivisibilité (les parts financiéres sont individuelles mais le terrain lui-même est indivisible), pour louer la terre à un-e ou plusieurs paysan-ne-s. La SCI (société civile immobilière) est un autre outil du même type. Les buts des collectifs représentés sont:

Mais attention: le GFA est un outil légal créé dans le cadre du capitalisme (tout comme la SCI), qui est censé dégager des dividendes pour les possesseur-e-s de parts, dont les parts sont héritées en cas de décès, et dans lequel le pouvoir de décision est proportionnel à l'argent investi... Mais c'est quand même une forme de propriété collective, qui permet à celles et ceux qui l'utilisent dans des buts non spéculatifs d'en changer les règles d'un commun accord; par exemple, les collectifs représentés ici ne distribuent en fait pas de dividendes, et prennent les décisions selon le principe 1 personne : 1 vote. Reste la question de l'héritage, qui semble poser problème dans ces GFA "alternatives" puisque les héritier-e-s ne sont pas forcément anticapitalistes, loin de là, donc l'orientation de ces GFA tend à re-dériver vers leurs buts originels. Surtout, ce mode de transmission de la propriété est fondamental dans le capitalisme.

Monter cette forme de projet est, selon les personnes présentes, un compromis tenant compte du fait qu'une révolution agraire n'est pas pour demain, tout en essayant d'engager des dynamiques collectives différant de la propriété privée. Oui mais: ça ne suffira pas à enrayer la spéculation. N'est-on pas limité avec cette approche à des "bons plans" dans les interstices du système? D'où la question de la construction de rapports de force.

Sous le capitalisme, on est dépossédé-e-s du sens, du temps et de l'espace. On est passé d'une paysannerie auto-suffisante qui n'échangeait que ses surplus, à des entreprises agricoles et des paysan-ne-s qui achètent au supermarché et qui ont essentiellement le même mode de vie qu'en ville. La spéculation foncière augmente, dans certaines régions les résidences secondaires pour friqué-é-s du nord accaparent le marché, "les bons plans" pour accéder à la terre sont parfois inexistants.

L'achat de terre est inimaginable pour la plupart des précaires urbains. Y a-t-il une ouverture possible avec les groupements d'achat collectif? Ensuite, cette ouverture peut-elle réellement remplir les besoins de base (nourriture, habitat...) à un niveau collectif?

L'exemple de l'Irlande est intéressant: dans la plupart des villes, des liens communautaires se créent autour de jardins collectifs dans des arrière-cours ou des terrains en friche. Des activistes lancent de telles structures dans l'idée de faire face à la raréfaction du pétrole qui va bientôt causer une pénurie mondiale de nourriture, sachant que les rendements actuels sont soutenus par les produits pétrochimiques. Cuba a su faire face à une telle situation de type "pic du pétrole" causée par l'embargo, en re-développant une agriculture décentralisée, s'appuyant largement sur des jardins urbains communautaires. La stratégie des activistes irlandais est de créer des poches d'autonomie alimentaire qui devront essaimer pour rendre les villes largement autosuffisantes. Un des enjeux principaux est de faire de ce premier pas vers le collectif un tremplin pour que les gens se politisent sur les questions globales, ce qui fonctionne plus ou moins bien selon les villes. Actuellement ce mouvement est en train de grandir rapidement, des nouveaux quartiers viennent demander conseil à ceux qui ont déjà commencé, etc... Fait intéressant: les gens des quartiers s'approprient rapidement cet outil, tandis qu'on voit rarement les activistes mettre la main à la terre...

Débat à Baluet

En attendant une synthèse, on a juste retranscrit le débat intervention par intervention

STAMP: Débat_Accès_à_la_terre (dernière édition le 2008-12-19 18:59:49 par anonyme)