FRAYSSINOUS, AMPe 2006 COMPTE-RENDU du dimanche 20 août, l'après-midi, dans le grand dôme du bas, (fait par marcelle)
LUTTES ANTI-INDUSTRIELLES, BILANS ET PERSPECTIVES: REUNION N°1
dans ce compte-rendu:
Sommaire
0. Comment la discussion s'est déroulée
Nous avons proposé de commencer cette semaine de rencontre par un moment de présentation/exposé en deux sessions (dimanche après-midi et lundi matin) afin de donner des éléments pour situer chacunE d’entre nous et préciser les termes des débats suivants. Pour orienter ces présentations dans une perspective stratégique, nous avons formulé quatre groupes de questions:
- 1. A quelle lutte a-t-on participé? Dans quel cadre (motivation, contexte…)?
- 2. Quels moyens/stratégies a-t-on mis en œuvre (mode d’action, cibles, rapport aux média, aux gens sur place, etc.)?
- 3. Quel menace a-t-on représenté? Quels aménagements a-t-on facilité? En bref, quelles conséquences?
- 4. Comment cela a-t-il transformé les relation entre nous, au sein du groupe « en interne »
L’idée était de pouvoir, dans les discussions suivantes aborder des sujets plus précis (traçage, contrôle social et gouvernement des populations, luttes prioritaires et cloisonnement des luttes, mouvements paysans, espace et territorialisation…), sous cet angle de questionnement stratégique et sans s’encombrer d’une perpétuelle présentation des unEs et des autres.
Au final, ça ne s’est pas passé comme ça: il n’y a eu ni « tour formel de présentation », ni réponses distinctes aux questions formulées. Nous sommes plutôt partiEs dans une discussion libre sur les enjeux stratégiques de nos luttes, dont voici une synthèse non linéaire. Bon, c’était bien.
J'utilise le "nous" pour restituer les interventions de chacunEs sans les identifier, ni préciser s'il s'agit d'un avis personnel, de groupe, ou partagé par les personnes présentes à la discussion. Lorsque des interventions se complétaient, je les aient combinées.
Comme je prenais les notes, je n'ai pas noté tout ce que j'ai dit moi-même... Je tente de m'en rappeler une semaine plus tard, peut-être en en rajoutant. ça vous fera un compte-rendu subjectivo-orienté par moi. Na c'est comme ça.
Par ces échanges, nous avons cherché à exposer et confronter nos points de vue, plutôt qu'à élaborer un consensus quelconque; il faut donc les lire sans y voir l'expression d'une pensée collective aboutie.
1. Erreurs, impasses et autres problèmes dans les luttes "anti-indus" auxquelles nous avons pris part
- PORTEE CRITIQUE DE LA PENSEE ANTI-INDUSTRIELLE
En travaillant spécifiquement sur les OGM, nous en sommes venuEs à la conclusion que le désastre était bien plus global que l'impact d'un objet technique particulier ne le faisait apparaître. Cette focalisation sur des technologies particulières (nucléaire, OGM, nanotech, etc.) ne permet pas de faire passer la radicalité de cette critique, c'est-à-dire le refus du système industriel dans son entier, de l'échelle d'organisation et production qu'il impose, des relations sociales et politiques qu'il induit, du projet de société et de la vision du monde qui vont avec.
Cette critique d'ensemble est notamment mise de côté par la tendance au catastrophisme et aux effets de panique qui caractérisent le rejet de ces technologies.
Non seulement la focalisation sur les objets techniques ne permet pas de développer une critique anti-indus complexe, mais elle ne nous permet pas d'identifier et d'affronter les dispositifs du pouvoir en tant que tels. Si l'on considère que l'on est passé d'une "société de discipline" (XVIIe-XIXe siècle) à une "société de contrôle" (à partir du XIXe siècle), on peut considérer que les critiques anti-industrielles, et conservant le mode de critique des luddites du XIXe (casser les machines qui mettent en danger notre autonomie) sont restés bloqués sur une idée de discipline qui n'est plus pertinente: il suffit pas de casser des machines pour toucher le mécanisme au coeur.
- CITOYENNISME ET MEDIATISATION
Aussi radicales soient-elles, nos critiques sont souvent la perche tendue aux citoyennistes, à l'aménagement du monde industriel, à son renforcement par la « régulation » sociale-démocrate, à coup de comités d'éthique et de réglementations et d'écologisme (prétention à préserver l'environnement naturel indépendamment des condition politiques et sociales qui créent cette situation).
Toutes nos actions revendiquées, visibles et symboliques sont au final réabsorbées par la voix médiatique pour neutraliser le débat et introniser ce que nous refusons... on peut presque partir du principe que la parole est toujours récupérable. Cette difficulté nous confronte au problème permanent des moyens de "notre visibilité".
- ELITISME RADICAL ET INTELLO
En développant des critiques un peu précises sur tel ou tel dispositif, nous nous mettons nous-mêmes en position d'expertise, d'élite éclairée ayant tendance à prescrire ce qui est bon ou pas pour les profanes. Finalement, on peut avoir le sentiment de se mettre soi-même dans une posture de gestionnaire par notre activisme alors que le rejet de la logique gestionnaire est au coeur de notre critique anti-indus.
Cette élitisme est largement renforcé par l'intellectualisme (références savantes, démonstrations sophistiquées à l'extrême, niveau de langage, réflexions très abstraites...) et au radicalisme (posture radicale comme esthétique, revendications indentitaires, attachement à des principe, hors de toute compréhension des situations concrète). Cette tendance nous éloigne de tout mouvement social au profit d'une complaisance entre initiéEs.
2. Axes de critiques pour sortir de l'impasse anti-indus
- LES TRUCS AUXQUELS ON POURRAIT S'ATTAQUER
Pour faire un peu vite, je liste ici un certain nombre de terrains d'investigation et de confrontation qui ont été abordés au fil de la discussion:
- urbanisation, ville
- management, coaching
- dispositifs sécuritaires, de contrôle et de gouvernement des populations (contrôle des chômeurs, etc.)
- défense et réappropriation d'espaces
- écologisme
- citoyennisme
- monde gestionnaire
- misère humaine dans les milieux scientifiques, jeunes scientifiques en porte-à-faux
- MODES D'ACTION, ANGLES D'ATTAQUE, ETAT D'ESPRIT, METHODE DE TRAVAIL...haha
De manière plus générale, il est ressorti qu'il s'agissait de s'attaquer aux micro-mécanismes qui construisent et maintiennent le pouvoir et de se confronter aux gens et aux situations concrètes.
- Décortiquer ces dispositifs dans leur détail.
- S'attacher à travailler de façon concrète, en lien avec des situations réelles ou, pour le dire autrement, privilégié les luttes localisées, inscrites dans un territoire précis (celui où on est) et mues par des revendications de subsistance, de défense et de reconquêtes d'espaces et pratiques réelles (les nôtres et celles de celleux qui nous entourent).
- Privilégier le travail d'enquête: les faits ne parlent pas d'eux-mêmes, les situations insupportables existent partout et, pourtant, beaucoup les supportent. Il faut faire les liens, les montrer, là où nous sommes et où nous pouvons les connaître en détail, reliés à nos propres enjeux de subsistance, à ce que nous avons à défendre et à conquérir.
- Ne pas se figer par principe dans certains modes d'action pour en faire une "esthétique de la radicalité", un outil de ralliement identitaire, mais considérer leur pertinence en fonction du contexte (rapport de force et habitudes locales, état de la répression, rapport aux média, personnes dont on peut s'entourer...) et s'attacher à construire la culture collective nécessaire à leur mise en place (relation de confiance, démystification de la clandestinité, travail en amont sur les peurs, la prise de risque, les conséquences répressives...).
- Montrer le ridicule des situations, le ridicule des gens de pouvoir, les décrédibiliser, les démythifier. Ce faisant, il faut faire attention au piège qui consiste à s'attendrir sur la faiblesse et le ridicule par trop humain des dirigeants, quand on s'attarde sur eux.
- Rechercher ce qui est de l'ordre du commun, du communautaire. S'attacher à ce qui semble simple, ce qui paraît évident pour tous.
- Mais en même temps faire attention à la dimension démagogique de cette simplicité (arguments également utilisés par le pouvoir). ne pas faire confiance à ce qui coule de source, ce que l'on nous a "appris" à coup d'école et matraque. Montrer, justement, que la réalité est complexe.
- En bref, faire attention aux visions de système qui dissolvent les responsabilités. Attention à la notion de responsabilité quand il s'agit d'un sytème... Comment montrer le grotesque des ces gens sans tomber dans la démagogie? Comment parler des choses simples sans simplifier?
- Inciter à la désertion.
- Différencier les moments de rencontre/compréhension avec des personnes prises dans le système, et ceux d'offensive/provocation qui nous les fait considérer comme des "agents" de ce système (exemple des chercheurs). Différencier, combiner, choisir, alterner entre les actes et les choix de vie propres à porter des valeurs, à être dans la confrontation, dans l'alternative, dans la compréhension...
... à force de discuter, il a fini par ressortir l'idée qu'il y avait une contradiction à parler de "stratégies" tout en reconnaissant qu'on ne peut jamais savoir ce que ça va donner... En même temps, il est possible de distinguer des orientation, d'avoir prise sur des petites situation, limitées dans le temps et l'espace, de chercher les outils, pour déterminer ce qui nous semble le plus juste, acceptable, utile, morale... à moins qu'on chie sur la morale. Bon, bref, on pourrait reparler de tout ça et pourquoi, peut-être en revenant plus concrètement sur nos expériences passées et présentes.